Le nouveau dirigeant chypriote turc tend la main aux Chypriotes grecs

A peine élu, Mustapha Akinci fait bouger les lignes à Chypre. Le nouveau leader de la République turque de Chypre-Nord a multiplié les gestes de rapprochement avec les Chypriotes grecs, au sud. Quitte à énerver le président turc. Tous les ingrédients sont réunis pour une accélération des négociations de réunification, suspendues depuis plus de six mois.

L'élection de Mustapha Akinci à la tête de la République turque de Chypre-Nord, cette entité non reconnue qui occupe le tiers nord de l'île, a levé un vent d'enthousiasme dans tout le pays. Homme de gauche, modéré et favorable à un dialogue confiant avec la République de Chypre, au sud, il a d'emblée abordé les sujets les plus délicats. Désireux de prendre quelques distances avec la Turquie qu'il a évité volontairement de qualifier de « mère-patrie », il a lancé : « Nous serons maîtres chez nous par le contrôle de nos propres institutions », en référence à la police et à l'armée dirigées directement par Ankara.

Cette liberté de ton n'a visiblement pas plus au président turc. Recep Tayyip Erdogan a immédiatement réagi : « Monsieur le président ne réalise pas bien ce qu'il dit. Nous sommes la mère-patrie. » Et de rappeler que la Turquie verse chaque année un milliard de dollars à ce petit territoire enclavé où stationnent 30 à 40 000 militaires turcs.

Des annonces inédites

Ce rappel à l'ordre en bonne et due forme n'a pas calmé les ardeurs de Mustapha Akinci. Certes, ce dernier a répondu que « l'amour de la mère-patrie était dans les cœurs », mais il a poursuivi par des annonces inédites concernant les négociations de réunification, en insistant sur trois points. Tout d'abord, il s’est dit prêt à ouvrir, sous contrôle des Nations unies, la ville de Varosha. Au moment de la guerre de 1974, cette ville était la première station balnéaire européenne. Mais depuis 40 ans, elle est devenue une ville fantôme, en ruines, interdite d'accès par l'armée turque.

Ensuite, Mustapha Akinci veut que le port de Famagouste, sous embargo, s'ouvre au commerce international et soit autorisé à exporter ailleurs qu'en Turquie les productions chypriotes turques. Enfin, il souhaite l'ouverture à l'international de l'aéroport d'Ercan dont tous les vols doivent actuellement transiter par le sol turc. Bref, le nouveau dirigeant chypriote turc souhaite mettre fin à l'embargo très strict qui asphyxie totalement l'économie de ce petit territoire.

Le président chypriote grec annonce aussi des mesures historiques

Face à tant de clarté de la part du leader chypriote turc, la partie chypriote grecque ne pouvait pas rester silencieuse. De fait, Nicos Anastasiades, le président de la République de Chypre, lui a emboité le pas. Il va notamment fournir les emplacements des gigantesques terrains minés dans les montagnes du nord avant la guerre de 1974. Et il s'engage à laisser les autorités religieuses du Nord gérer les mosquées du Sud, à part celle de Nicosie, sous tutelle libyenne. Ces concessions rares sont déjà une avancée historique, avant même la rencontre entre les deux dirigeants, prévue la semaine prochaine.

Les négociations de réunification sous l'égide de l'ONU sont suspendues depuis plus de six mois. Mais l'envoyé spécial de Ban Ki-moon pour Chypre est attendu ce lundi 4 mai sur place et tous les voyants sont au vert pour l'annonce officielle d'une reprise des pourparlers.

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