Passeurs et jihadistes, cibles communes des pays du G4

Depuis deux ans, la France, l’Espagne et le Portugal se sont rapprochés du Maroc sur les questions sécuritaires. Ce G4 évoque principalement la lutte contre l’immigration clandestine et la lutte contre le terrorisme. Les ministres de l’Intérieur de ces quatre pays se sont retrouvés, mardi 28 avril, à Lisbonne. Au menu de cette rencontre, la lutte contre les passeurs, l’aide au développement et le renforcement des contrôles d’identité au sein de l’espace Schengen.

De notre envoyé spécial à Lisbonne,

Que ce soit à Bruxelles la semaine dernière ou à Lisbonne mardi, les récents naufrages en Méditerranée ont remis la lutte contre l'immigration clandestine au cœur des réunions internationales ces derniers jours. Comme à Bruxelles, les Européens présents ont exprimé à Lisbonne leur volonté de mettre l'accent sur la destruction des bateaux des passeurs. Pour les ministres de l’Intérieur de ce G4, il s’agit à la fois d’un moyen d'entraver le travail des passeurs, mais aussi un devoir humanitaire. Pour le Français Bernard Cazeneuve, ces bateaux sont « le vecteur de la mort » pour de nombreux migrants.

Détruire donc un moyen de transport souvent mortel, mais tout en restant dans le chemin du droit international, précise Bernard Cazeneuve. Et c'est là où les choses se compliquent un peu : cela nécessite d'intervenir hors des eaux territoriales européennes, plus proche des côtes libyennes. « Nous sommes en train de voir ce que le droit européen nous permet de faire », confiait le ministre français à RFI, mardi. Mais il est plus probable que les Vingt-Huit doivent obtenir un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Des discussions avec les membres du Conseil sont d’ailleurs menées par la haute représentante de l'UE pour la politique extérieure.

« Régimes abjects »

Empêcher des traversées périlleuses, mais aussi tenter de réduire le flot de candidats à l’immigration. Côté français, il y a une distinction entre les migrants à qui l'Europe doit une protection et ceux qui pourraient rester chez eux. Les premiers fuient des pays en guerre ou des régimes autoritaires, « des régimes abjects », juge Bernard Cazeneuve. Les seconds relèvent de l’immigration économique et les concernant, le ministre français estime que l’Europe doit les aider à rester dans leur pays en accentuant l'aide au développement.

Cette politique n'aura pas d'impact immédiat sur le flux de migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, mais « si elle s'inscrit dans le long terme, cela n'exclut pas que nous agissions vite pour obtenir des résultats à moyen et long terme », estime Bernard Cazeneuve. Le ministre de l'Intérieur se rendra d'ailleurs au Niger le 14 mai pour voir, dit-il, comment mettre cette politique en place en s'appuyant sur les autorités locales.

Poursuivre les jihadistes de retour

Concernant l’autre grand sujet de discussion – la lutte contre le terrorisme –, le G4 insiste sur la nécessité de créer un PNR européen. Il s’agit d’un fichier des passagers des compagnies aériennes dont le principe est débattu au Parlement européen qui en avait rejeté une première version. « Nous progressons », assure, confiant, le ministre français de l’Intérieur qui table sur une entrée en vigueur d’ici la fin de l’année 2015. Mais surtout, le G4 plaide pour un rétablissement des contrôles d'identité au sein de l'espace Schengen.

« Il n’est pas question de renoncer à l'esprit de Shenghen », précise d’emblée Bernard Cazeneuve. Mais le ministre de l'Intérieur veut rétablir des contrôles « systématiques et coordonnés ». Pour concilier systématisme et libre-circulation, Bernard Cazeneuve veut que ces contrôles se fassent de manière obligatoire, mais à certains points seulement ou pour les passagers de certains vols ou ceux présentant un certain profil. Comment, dès lors, éviter de tomber dans le délit de faciès ? Pour éviter l'arbitraire de ces contrôles, Bernard Cazeneuve s'en remet à l'Union européenne : ce sera à elle, dit-il, de définir précisément les critères qui commanderont cette démarche. Et le ministre français d'insister : « cette mesure est indispensable ». Indispensable, selon lui, pour empêcher les départs de jihadistes vers les zones de combat, mais plus encore pour empêcher que certains d'entre eux ne reviennent librement en Europe. De tels contrôles permettraient de les arrêter à leur retour et de judiciariser leur cas. Une protection, assure-t-il, contre de possibles attentats.

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