Naufrages en Méditerranée: des appels pour une solution européenne

Le naufrage, dans la nuit de samedi à dimanche, d’un chalutier transportant probablement des centaines de migrants fait redouter une véritable hécatombe. Il s'agit du troisième drame du genre en une semaine. La France et l’Italie appellent à une action européenne commune. De leurs côtés, les organisations internationales dénoncent l'incurie des autorités et réclament davantage de moyens.

Face à « une accélération » des drames depuis le début de l'année, « nous devons agir », a souligné ce dimanche 19 avril François Hollande. Le président français a réitéré la nécessité d'une action européenne et d'une réunion d'urgence. D’après le chef de l'Etat français, l’Union européenne doit « renforcer le nombre de bateaux qui opèrent dans le cadre de l’opération Triton », une opération européenne de surveillance des côtes. L’Europe doit également renforcer « les survols en avions » mais également mettre en place « une lutte beaucoup plus intense par rapport aux trafics ».

L'Union européenne, sommée d'en faire plus depuis des jours et à chaque nouveau drame, a annoncé dimanche qu'elle allait réunir ses ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur pour prendre des mesures. De son côté, le chef du gouvernement italien Matteo Renzi doit d’ores et déjà réunir dimanche après-midi à Rome ses ministres des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Défense.

Une opération Mare Nostrum européenne

Mais ces annonces ne contentent pas les organisations internationales qui se montrent peu optimistes. La porte-parole du HCR en Italie, Carlotta Sami, réclame « une opération Mare Nostrum européenne ». Cette opération italienne de sauvetage des migrants a été mise en place après un naufrage au large de l'île de Lampedusa en octobre 2013, pour venir en aide aux bateaux en détresse en pleine mer.

Mais le pays réclamait une réponse européenne qui est finalement venue un an plus tard. Le 1er novembre dernier, l'opération Triton a été lancée. Mais elle se veut simple opération de surveillance des côtes plus qu'opération de sauvetage. Et son budget n'a rien à voir avec celui de Mare Nostrum. Le seul gouvernement italien dépensait 9 millions d'euros par mois pour Mare Nostrum. Triton a été dotée à ses débuts d'un budget mensuel de moins de 3 millions.

Des opérations de surveillance et non de sauvetage

Selon Jean-François Dubost, responsable du programme personnes déracinées à Amnesty International France, les mesures proposées seront plutôt orientées vers des contrôles et la surveillance que vers des opérations de sauvetage en mer. « J’espère que les prochaines semaines ou les prochains jours me contrediront, mais je pense malheureusement que l’aide qui va être apportée par l’Union européenne certes concernera l’accueil sur place en Italie mais pour ce qui est du sauvetage en mer... Le sauvetage en mer est la pierre d’achoppement de toute l’Union européenne. Elle considère que cela risquerait de faire appel d'air. Pourtant, malgré la fin de l’opération Mare Nostrum, il y a eu une augmentation des traversées. L’appel d’air, c’est un fantasme dans la situation actuelle », explique-t-il.

« Je crains que l’aide européenne soit plutôt portée sur le contrôle, la dissuasion, la surveillance, éventuellement la prévention des départs en essayant de travailler avec des pays de transit qui ne sont pas très scrupuleux au regard du respect des droits des migrants et des réfugiés sur leur territoire », regrette-t-il, avant de conclure : « si c’est cette aide-là que l’UE apporte directement ou indirectement à l’Italie, il y a encore beaucoup de soucis à se faire pour le respect de la vie et des droits de toutes ces personnes ».

« Toutes les conditions sont réunies pour que les gens périssent en mer et nous le savons »

Par ailleurs, le responsable du programme Personnes déracinées à Amnesty International France dresse un bilan très critique de la politique européenne à l'égard des migrants et condamne son inaction. « Toutes les conditions sont réunies pour que les gens périssent en mer et nous le savons », s'insurge-t-il, avant de citer l'inaction de l'Union européenne, la déterioration de la situation en Syrie, en Libye ou encore en Erythrée, mais aussi la période - la Méditerranée est de plus en plus navigable, contrairement à la période hivernale.

De fait, le flux de migrants qui embarquent depuis les côtes libyennes ne cesse de grossir. Entre 500 et parfois 1 000 personnes sont chaque jour récupérées par les garde-côtes italiens ou des navires marchands. Plus de 11 000 ont ainsi été récupérées en une seule semaine.

Selon Jean-François Dubost, « tant que l’on n’aura pas pris la mesure de l’urgence et de la gravité de la situation qui exige des mesures rapides, efficaces, les naufrages continueront à s’accumuler ». Il craint que 2015 soit une année encore plus meurtrière que 2014.

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