Avec notre correspondant à Berlin
En avril 2000, la CDU est mal en point. Elle a dû abandonner le pouvoir deux ans plus tôt après la défaite de l’éternel chancelier Helmut Kohl battu par le social-démocrate Gerhard Schröder désormais à la tête d’une coalition avec les écologistes. Quelques mois plus tard, le parti est secoué par une affaire de financement occulte.
La secrétaire générale du mouvement, Angela Merkel, opte pour le meurtre du père. Une première dans un parti dirigé pendant un quart de siècle par Helmut Kohl et a fortiori contre celui qui a permis, peu après la réunification, à la jeune Allemande de l’Est de percer et d’occuper des postes ministériels. Angela Merkel publie un article retentissant contre Helmut Kohl fin 1999. L’affaire des caisses noires de la CDU coûte son poste de président d’honneur à l’ancien chancelier comme à son successeur à la tête du parti chrétien-démocrate Wolfgang Schäuble. Angela Merkel est élue dans un fauteuil le 10 avril 2000 à la tête du mouvement conservateur.
De Angie Thatcher au pragmatisme social-démocrate
La nouvelle présidente prend la direction d’un parti à des années lumière de ce qu’il est aujourd’hui et de ce qu’elle en a fait. Les hommes dominent largement l’appareil. Des conservateurs jouent un rôle important, et pour ceux-là, les valeurs traditionnelles comme la famille, la femme au foyer, restent centrales ; l’élection d’un maire chrétien-démocrate ouvertement homosexuel, un an après à Hambourg, parait encore inconcevable. La double nationalité est rejetée ouvertement et l’Allemagne n’est pas considérée comme un pays d’immigration, malgré une réalité bien différente. Le service militaire obligatoire est indissociable de la république fédérale d’après-guerre et les centrales nucléaires pour la CDU une technologie d’avenir sûre.
Angela Merkel constitue un défi pour ce parti. Une femme divorcée et à l’époque vivant en concubinage, sans enfants, protestante et originaire de l’ex-RDA communiste. Si la nouvelle présidente de la CDU opte dans un premier temps en matière économique pour un cours libéral lui valant le surnom de « Angie Thatcher », elle a, depuis son arrivée à la chancellerie, oublié ces idées défendues dans l’opposition au profit d’un pragmatisme sans complexes et d’un virage sur l’aile gauche de son parti. Cela vaut sur les questions économiques avec aujourd’hui dans une coalition avec les sociaux-démocrates l’adoption d’un salaire minimum généralisé, impensable autrefois à droite. Mais cela vaut aussi sur les questions de société qu’il s’agisse du développement des crèches pour favoriser la compatibilité pour les femmes entre travail et famille ou des efforts pour l’intégration des étrangers.
Une popularité historique
Quinze ans après, le style présidentiel d’une chancelière jouant les animatrices du débat politique, évitant les prises de position tranchées et prête à évoluer sur ses positions séduit les Allemands. Angela Merkel a dans son parti mis sur la touche de nombreux concurrents potentiels et autres barons victimes d’affaires ou qui ont jeté l’éponge.
Cet automne, elle fêtera ses dix ans à la tête du pays et n’a pas l’intention à 60 ans de passer la main. Avec une popularité personnelle de maréchale qui permet à son parti dans les sondages de laisser loin derrière lui les sociaux-démocrates, elle est indéboulonnable. Un baron SPD l’a reconnu récemment : « Tant que Merkel est au pouvoir, nous n’avons aucune chance ». Le parti de gauche qui ne décolle pas dans les sondages bien qu’il ait mené plusieurs réformes centrales depuis 18 mois commence à désespérer. Au sommet, on se demande qui va aller au casse-pipe en 2017 face à la reine Merkel, une défaite cuisante paraissant pré-programmée.