Habitué des reportages en Turquie, Andy Spyra ne s'attendait pas être traité comme un hors-la-loi dès son arrivée à l'aéroport, ni à être refoulé dans son pays après une nuit en détention. Le 28 mars dernier, après un interrogatoire en bonne et due forme et une fouille complète, y compris des cartes mémoires de ses travaux photographiques, le photoreporter s'est vu expliquer qu'il était persona non grata en Turquie « pour raison de sécurité », sans autre détail.
Ce n'est qu'ensuite, à son retour en Allemagne, qu'il apprit que la police turque avait contacté les autorités allemandes pour vérifier son identité et son casier judiciaire sur des soupçons d'accointance avec des réseaux jihadistes.
Et, bien que les services de renseignements allemands aient attesté sa probité, il a tout de même été remis dans le premier avion pour Düsseldorf. Le magazine Der Spiegel, pour lequel Andy Spyra était parti en mission pour travailler sur les cérémonies commémoratives du génocide, a rapporté l’affaire samedi 4 avril.
Un prétexte jugé falacieux
Pour Andy Spyra, le prétexte de son expulsion était fallacieux, et la vraie raison de son renvoi est un reportage publié deux semaines auparavant, qui traitait du centenaire du génocide arménien. Le sujet qu'il venait justement à traiter de nouveau en Turquie même. Au mois de mars, déjà, une équipe de la télévision allemande ZDF s'était vue refuser une autorisation de tournage en Turquie sur le même sujet de l'anniversaire du génocide de 1915. Un précédent qui renforce Andy Spyra dans son idée que c'est bien là la raison de son refoulement.
Parallèlement à ces mesures prises à l’encontre de journalistes étrangers, une conférence internationale annoncée depuis mars, et coparrainée par la Fondation turque d'histoire (Tarih Vakfi) et l'université de Californie-Los Angeles (UCLA). Intitulée « Génocide arménien : concepts et regards croisés », elle devait se tenir à l'université Bilgi d'Istanbul le 26 avril prochain, mais a été annulée suite à des pressions, rapporte l'hebdomadaire arménien Agos. Un hebdomadaire dont le directeur de la publication avait été assassiné en janvier 2007.