Censure d'un opéra de Richard Wagner pour blasphème en Russie

En Russie, les autorités ont limogé le directeur du théâtre de Novossibirsk, Boris Mezdrich, à cause d’une version controversée d'un opéra de Richard Wagner. Cette mise en scène, dans laquelle Jésus Christ apparaît avec des femmes très dévêtues, avait provoqué le courroux de l'Église orthodoxe, cette dernière estimant qu'il y avait eu offense au sentiment religieux.

De notre correspondante à Moscou,

A Novossibirsk, la troisième ville du pays située en Sibérie, le ministre russe de la Culture, Vladimir Medinski, a estimé que l’argent public n’était pas destiné à financer des oeuvres contemporaines réinterprétant librement des grands classiques. L’œuvre qui pose problème est une adaptation contemporaine de l’opéra « Tannhauser » de Richard Wagner, dans laquelle Jésus Christ apparaît avec des femmes très dévêtues. Cela n’a pas plu à l’église orthodoxe.

Le blasphème est un délit en Russie

En fait, de décembre à février, l’œuvre a été vu par 7 000 spectateurs qui n’ont rien trouvé à redire. Mais il y a un peu plus d'un mois, le métropolite de Novossibirsk, autrement dit, le responsable régional de l’église orthodoxe, a déposé une plainte pour « offense au sentiment religieux ». L'«offense au sentiment religieux» est un délit en Russie, passible d'une peine allant jusqu'à trois ans de prison. La plainte s’est finalement soldée par un non-lieu, et on aurait donc pu en rester là. Mais l’église n’a pas lâché la pression. Et des centaines de fidèles ont commencé à se rassembler devant l’opéra, avec des croix, des prières pour protester contre cette représentation.

La représentation a donc été suspendue et le ministère russe de la Culture a décidé de changer de directeur du théâtre. Boris Mezdrich a donc été débarqué. Et la première chose qu'a fait le nouveau directeur, c'est de retirer l'oeuvre du répertoire. En Russie, cette affaire fait beaucoup parler. Le metteur en scène est défendu par un certain nombre d’artistes, dont le directeur du Bolchoï de Moscou, Vladimir Ourine. Pour lui, les critiques viennent de gens qui n’ont même pas vu l’œuvre et ne connaissent rien au théâtre !

Religion et liberté d’expression

D'un autre côté, le chef adjoint de l’administration présidentielle Mohamed Salam Mohamedov estime que les théâtres publiques ne doivent pas présenter des pièces qui offensent les croyants, et il n’exclut pas le retour à un examen préalable des œuvres pour définir celles qui peuvent être mises au répertoire. Autrement dit celles que les spectateurs russes seront autorisés à voir. Ce système de censure préalable existait à l’époque soviétique.

Plusieurs responsables de l'église orthodoxe ont critiqué le film Leviathan, qui a pourtant été salué par la critique et le public, car ce film montrait la collusion entre un prêtre et un homme politique véreux. On a aussi entendu les critiques de proches du pouvoir contre les dessinateurs de Charlie Hebdo qui auraient offensé les croyants. Le ministre russe de la Culture, Vladimir Medinski, ne cache pas qu’ à ses yeux la culture doit contribuer au sentiment patriotique. Et les artistes contemporains se sentent de moins en moins à l’aise en Russie. Plusieurs d’entre eux ont émigré, comme par exemple le galériste Marat Guelman, qui avait pourtant réussi à transformer la ville de Perm en un haut-lieu de l’art contemporain.

Partager :