Avec nos envoyés spéciaux à Pavlopil, Boris Vichith et Anastasia Becchio
Des chiens errants, des poules, des canards, mais quasiment pas âme qui vive à Pavlopil. Deux jeunes gens tuent le temps dans la rue principale. Les portes des deux seuls magasins du village sont fermées. « Qu'est ce que vous voulez qu'ils vendent ? De l'air ? », ironise Kolia, sans-emploi depuis six mois, qui a passé ces dernières semaines à réparer les câbles électriques et les conduites de gaz endommagés par les bombardements.
Le village est situé à mi-chemin entre leslignes loyalistes et séparatistes. Les barrages de part et d'autre empêchent les approvisionnements de l'épicerie. Galina vit ici avec son mari et ses deux fils, tous sans emploi. « On vit sur nos provisions, mais on aura bientôt tout écoulé. On avait deux petits sangliers qu'on a égorgés et on a vendu la viande autour de nous dans le village. On a des poules, des oies, des canards. Quand ça ne tire pas, il se peut que les gars pêchent un peu de poisson dans la rivière, mais on se demande toujours s'il faut le garder ou le vendre pour avoir ne serait ce que quelques kopecks », se désole-t-elle.
Avant que la guerre ne s'installe tout près de là, vingt autocars faisaient chaque jour la navette entre Pavlopil et Marioupol. Aujourd'hui, le seul moyen de se rendre à la ville reste la voiture. Mais encore faut-il pouvoir passer le barrage tenu par l'armée ukrainienne. « Là, par exemple, si on me proposait du travail, je ne sais pas comment je pourrais y aller. Il faut faire des heures de queue pour passer le check-point, raconte Alexandre, sans-emploi lui aussi. Disons que je dois être au travail à 7 heures, mais je sais que je ne passerai pas le barrage avant midi et je n'arriverai au travail qu'à une heure... Qui voudrait d'un tel employé ? »
Les services sociaux ukrainiens ne fonctionnent plus. Tout tient sur les épaules du maire Sergueï Chapkine qui est obligé de trouver des compromis avec les uns et les autres. « Notre problème, c'est qu'on se trouve sur un territoire sur lequel il n'y a pas de forces armées ; c'est une zone neutre, une zone tampon. Mais malheureusement, ces zones n'ont aucun statut, déplore Sergueï Chapkine. Du coup, on a été obligés, par exemple, de réparer nous-mêmes les conduites de gaz. On a appris à le faire. En fait, ce n'est pas difficile. En raison de notre situation, on a régulièrement des ennuis avec l'une ou l'autre des parties... Je dois leur dire régulièrement : les gars, on est des civils, on ne joue pas à vos petits jeux, on veut juste être libres ».
Sur les 800 habitants que comptait Pavlopil il y a un an, il n'en reste aujourd'hui pas plus de 450. A la sortie du village, treize véhicules font la queue devant l'imposant check-point de l'armée sur la route qui mène à Marioupol.