Grèce: la position allemande crée le malaise

Nouvelle dégringolade des bourses européennes, hier lundi 5 janvier, à trois semaines des élections législatives grecques. La perspective d’un éventuel départ de la Grèce de la zone euro a fait chuter les principales places boursières. Selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, la chancelière Angela Merkel serait favorable à une sortie de l’euro en cas de victoire de la gauche radicale aux élections grecques.

Avec notre bureau de Bruxelles,

La réaction des bourses n’a donc pas tardé : moins 3,3 % à Paris, moins 4,9 % à Milan ; la bourse d’Athènes, elle, a chuté de 5,6 % et Wall Street a également enregistré de lourdes pertes, alors que ce matin les bourses asiatiques à Shanghai et Tokyo accusent elles aussi une baisse significative. Dans le même temps, l’euro a sérieusement baissé - sous la barre de 1,20 dollar, pour la première fois depuis près de neuf ans.

Les révélations du Spiegel ont provoqué un réel malaise au sein de l’UE. Au Parlement européen, les socialistes ont accusé la droite allemande de jouer les shérifs avec la Grèce, les Verts ont évoqué un chantage irresponsable.

Les réactions politiques ont été suivies de réactions plus juridiques comme celle de la Commission européenne qui a asséné que l’appartenance d’un pays à la zone euro était irrévocable. Et même si l’article des traités européens invoqué pour étayer cette affirmation est plutôt celui qui établit les règles de fixation du taux de change lors de l’adhésion à la monnaie unique, l’argument est valable.

« On ne sort pas comme ça de l’euro »

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la possibilité existe pour un Etat membre de quitter l’Union européenne. En revanche, rien de tel n’est prévu pour l’appartenance à la zone euro. « On ne sort pas comme ça de l’euro puisqu’il n’y a pas de texte qui prévoit la sortie d’un des pays membres de l’Union monétaire européenne », estime ainsi Sylvain Broyer, responsable du département d’économie chez Natixis.

L’adhésion à la monnaie unique est même au contraire l’objectif assigné à tous les pays sauf le Royaume-Uni, le Danemark ou la Suède, qui bénéficient d’une exemption. « Si vous voulez sortir de la zone euro, vous devez sortir de l’Union européenne, auquel cas la Grèce ne bénéficiera plus de tout un tas de transferts de fonds européens vers ce pays », précise Sylvain Broyer

Pour l'analyste financier, c’est d’ailleurs « un moyen de pression que l’Allemagne ou les autres pays membres de la zone euro peuvent avoir sur la Grèce. » C’est en tout cas la lettre de la loi, et on voit mal les Vingt-Huit mettre en branle sur cette question le complexe processus d’une modification des traités européens avec leurs cortèges de référendums.

Une sortie de l'euro réalisable économiquement ?

Des réactions plus économiques ont aussi été entendues puisque de leur côté, les libéraux affirment qu’une réintroduction de la drachme grecque aurait un tel poids financier pour la zone euro qu’elle coûterait, par exemple, 80 millions d’euros à l’Allemagne. Une sortie de la Grèce de la zone « comme vous le dirait Mario Draghi, ce ne serait pas aller dans le sens de l’Histoire, estime ainsi Sylvain Broyer. Ce n’est pas prévu, insiste-t-il même. C’est un club à sens unique. Il y a une porte d’entrée, mais il n’y a pas de porte de sortie. »

Mais en toute hypothèse, la sortie de la Grèce de la zone euro serait faisable du point de vue économique. C’est en tout cas ce que dit l’Allemagne, à savoir en substance que la zone euro est mieux armée pour résister aux risques de contagion en cas de sortie de la Grèce. C’est très hypothétique, car personne ne saurait prévoir la réaction des marchés et leur évaluation du risque politique pour l’ensemble de l’Union européenne.

En revanche, c’est un fait que l’Union européenne s’est dotée de nouveaux instruments musclés en commençant par des plans de sauvetage comme ceux octroyés à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal et à l’Irlande alors que le principe en était initialement interdit par les textes européens. Par ailleurs, pour le sauvetage des Etats, ont été créés un Fonds européen de stabilité financière (FESF) et un Mécanisme européen de stabilité (MES) ainsi que pour les banques, un mécanisme de résolution avec un fonds associé afin que les crises bancaires ne se transforment plus en crise de la dette.

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