Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
Depuis le début de la journée et les premières arrestations, une foule de sympathisants s'est massée devant les palais de justice d’Istanbul et d’Ankara et devant les directions de la Sûreté de ces deux villes ; pour marquer son soutien aux suspects déjà interpelés, mais aussi à ceux qui pourraient encore l’être. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a ainsi commenté ces arrestations en fin d’après-midi : « Ils ont tenté un coup d’Etat, ils payeront pour cela. »
Cette vague d’arrestations, juste avant la date anniversaire très commentée du scandale de corruption qui avait coûté leur place à quatre ministres, n’a donc guère surpris. Il y a tout juste deux jours, M. Erdogan ne promettait-il pas d’en finir avec ce qu’il appelle la « structure parallèle », et d’aller chercher tous ses membres « jusque dans leur tanière » ?
De même, les accusations extrêmement lourdes portées contre les suspects - « participation et direction d’une entreprise terroriste visant à renverser l’ordre constitutionnel » - confirment que la néo-confrérie Gülen, accusée depuis plusieurs années par le pouvoir de fomenter un complot contre l’AKP en place depuis 12 ans, reste dans le collimateur.
Pour l’instant, seules 32 personnes sont visées par le mandat d’arrêt de ce dimanche, mais une liste de 400 personnes, dont 150 journalistes, circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, ce qui confirmerait une véritable chasse aux sorcières.
Les Gülenistes dans la ligne de mire
Cela fait des années que les adeptes de M. Gülen sont accusés de mener un complot pour renverser Recep Tayyip Erdogan, l'ancien Premier ministre confortablement élu président cet été.
Les chefs d’accusation, extrêmement lourds, visent en premier lieu les dirigeants du groupe de presse Zaman, dont le directeur général Hidayet Karaca et le directeur de publication du quotidien du même nom - Zaman -, Ekrem Dumanli, ont été arrêtés en direct sur la chaine de télévision Samanyolu, au milieu d’une foule de sympathisants.
Les soutiens de l'équipe du quotidien, l'un des principaux du pays, dénoncent une atteinte à la liberté de la presse et ont empêché un temps la police anti-terroriste d'investir les lieux. Avant d'être interpellé, Ekrem Dumanli s'est même offert un morceau de bravoure, défiant les forces de l'ordre face caméras.
Le chef de l’opposition kémaliste, du nom de l'ancien président Mustafa Kemal Atatürk, a réagi en parlant de « coup d’Etat » ce dimanche matin. Sur les réseaux sociaux, les dénonciations du régime de plus en plus fascisant de M. Erdogan font boule de neige.