Certaines prestations devant les parlementaires, comme par exemple celle de la libérale slovène Alenka Bratusek (retoquée à une large majorité par le Parlement), ont été jugées simplement médiocres. Dans quelques autres cas, les eurodéputés ont eu le sentiment que les candidats étaient, certes, compétents, mais pas forcément pour le portefeuille qui leur était destiné. Enfin, il ne faut pas oublier un bras de fer politique qui se joue en coulisse. En effet, il y a des candidats qui sont perçus comme compétents sur le fond, mais qui sont devenus en quelque sorte « otages » dans une guerre d’influence entre différents courants politiques au sein du Parlement européen.
Le cas Moscovici
Cela semble être notamment le cas de Pierre Moscovici. Son exemple est particulièrement éloquent, car son principal problème n’est pas du tout celui des compétences, qui ne suscitent pas vraiment de doutes. Son souci : certains eurodéputés ne digèrent toujours pas que le poste de commissaire aux Affaires économiques et financières soit confié à un Français, donc au représentant d’un pays dont justement la situation économique et financière actuelle inquiète ses partenaires européens.
Pire, Pierre Moscovici, en tant qu’ancien ministre de l’Economie et des Finances, est jugé coresponsable de cette situation. Bref, il est suspecté d’être un cheval de Troie envoyé par Paris, dont la mission serait de permettre à la France de laisser filer son déficit, tout en évitant des sanctions de Bruxelles. Dans le même temps, la droite parlementaire menace de voter contre lui si la gauche bloque la candidature du conservateur espagnol Miguel Cañete, qui se voit reprocher des propos sexistes, mais surtout des relations trop étroites avec des compagnies pétrolières, alors qu’il doit prendre le portefeuille de l’Energie et du Climat.
Négociations en vue
Le Parlement européen peut bloquer des nominations individuelles, mais indirectement et uniquement au stade des auditions devant les commissions parlementaires. En effet, à l’issue des auditions, les eurodéputés peuvent donner des avis défavorables sur des candidatures précises. Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, peut alors négocier, par exemple en proposant d’enlever certaines compétences au candidat contesté.
Cela pourrait être le cas de l’Hongrois Tibor Navracsics. Désigné pour le poste de commissaire à l’Education, la Culture, la Jeunesse et la Citoyenneté, il pourrait se voir privé du dernier élément du titre, la Citoyenneté. Mais Jean-Claude Juncker peut aussi demander à tel ou tel gouvernement de changer de candidat à la Commission européenne. Ce sera sans doute le cas du gouvernement slovène, qui risque d’être prié de proposer une autre femme libérale à la place d’Alenka Bratusek. C’est dans ce sens précis du terme que le Parlement européen peut bloquer des candidatures particulières. Cela ne peut arriver que dans le cadre des négociations à l’issue des auditions devant les commissions parlementaires compétentes.
Vote en bloc
Au moment du vote en session plénière, le Parlement peut uniquement approuver ou rejeter la nouvelle Commission européenne en bloc. Mais un rejet constituerait un véritable séisme politique, donc il est dans l’intérêt de toutes les parties d’arriver à un accord avant le vote définitif. Le Parlement, doté de nouveaux droits en la matière depuis le Traité de Lisbonne, donc depuis relativement peu de temps, veut évidemment montrer sa nouvelle force en obtenant des concessions, et le président Juncker préférera les lui accorder pour pouvoir diriger la Commission européenne sans trop d’accrocs avec le Parlement.