De notre correspondant à Madrid, François Musseau
Finalement, ce projet de réforme de la loi sur l'interruption de grossesse a été enterré. Mais ce fut un long feuilleton qui traîna neuf mois... Le texte était passé sous forme d'avant-projet, en catimini, fin décembre, juste avant Noël. Mais rapidement, il avait vite fait scandale car il rendait l'avortement presque impossible. Pour une bonne partie de l'opinion publique, féministes en tête, c'était un retour en arrière de trente ans. Et le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy n'a jamais été à l'aise avec ce dossier qui devait être approuvé avant les élections européennes de mai avant d'être finalement reporté. Le texte devait être approuvé avant les vacances d'été mais le vote a de nouveau été reporté aux calendes grecques. Aujourd'hui, donc, c'est fini, enterré, pour toujours ou en tout cas pour bien longtemps.
Un recul du gouvernement de Mariano Rajoy
La réforme de l'interruption grossesse était une promesse électorale et le changement de la procédure proposé par le projet était radical. Depuis 2010, la loi en vigueur permet à toute femme d'avorter sans problème au cours des 14 premières semaines de gestation. Au-delà de ce délai, il y a des conditions, mais cela reste possible. Avec le nouveau texte, cela devenait très difficile d'avorter, sauf en cas de viol ou de difficultés psychologiques pour la femme. Un vrai parcours du combattant était mis en place, qui aurait obligé celles qui avaient de l'argent à aller pratiquer une intervention à l'étranger ou, pour celles qui n'ont pas les moyens, à avorter de façon clandestine, avec tous les risques pour la santé que cela suppose.Un retour à l'obscurantisme de la fin du franquisme et du début des années 80.
Une raison idéologique ?
Depuis des mois, le projet de loi a soulevé un tollé en Espagne mais aussi dans plusieurs pays d'Europe. Au sein même du Parti populaire au pouvoir, beaucoup n'étaient pas d'accord avec le texte, comme l'ancienne maire de Malaga, Celia Villalobos pour laquelle le retrait du projet de loi est « un triomphe pour Rajoy, et pour les hommes ». L'électorat conservateur était lui-même très divisé. Une récente enquête montre que 60% des Espagnols sont favorables à la législation en vigueur, et 35% des votants du Parti populaire ou des catholiques.
Les responsables du Parti populaire de droite ont fait leurs comptes : aux Européennes, ils ont perdu deux millions et demi de suffrages et estiment que c'est en partie en raison de ce projet de loi rétrograde. Et en 2015, il y aura des élections municipales et législatives et de nombres caciques conservateurs ne voulaient pas d'un texte ultra polémique qui allait déchirer leurs rangs et leur faire perdre des voix.