Avec notre correspondant à Madrid, François Musseau
« Mère libre, c’est mon corps, c’est moi qui décide ». « Avortement pour ne pas mourir ». « Non à la législation sur ma liberté et ma conscience ». Voici quelques uns des slogans qu’on pouvait lire dans cette marche nourrie contre le projet de loi interdisant l’avortement.
« C’est un projet de loi totalement inacceptable, honteux et humiliant. Nous sommes totalement indignés par le fait que certains individus passent leur temps à restreindre et à supprimer les libertés individuelles », s’emportait Marie-Carmen, membre d’un collectif féministe régional de Saragosse. Son groupe n’était qu’une des 250 associations féministes représentées à Madrid et réunies dans le collectif Decidir nos hace libres (« Décider nous rend libres »).
Partout, des banderoles et des drapeaux des 17 régions espagnoles. Dans ce cortège de milliers de personnes venues de toute l’Espagne en bus et en train, les hommes étaient aussi nombreux à clamer leur opposition au texte. « Je crois qu’il est important que les femmes et les hommes puissent disposer librement de leurs corps et de leurs destins », affirmait ainsi Jorge, un Madrilène de 39 ans.
Fermeté du gouvernement
Le ministre de la Justice espagnol, Alberto Ruiz Gallardon, porteur du projet de loi, n’a pas tardé à réagir. « Aucun cri, aucune insulte ne me fera renoncer à la réforme sur l’avortement », a-t-il prévenu ce samedi soir. Cette fermeté est une mauvaise nouvelle pour les nombreux opposants à son projet.
Il reste encore quelques formalités à remplir, et notamment l’examen d’aspects médicaux et légaux concernant le nouveau texte. Mais Alberto Ruiz Gallardon compte bien présenter sa réforme au Parlement autour de juin prochain. Une réforme qui devrait être votée sans difficulté, puisque son parti dispose de la majorité absolue.
Si le gouvernement Rajoy fléchit d’ici-là face à la réaction populaire, le ministre a promis de démissionner. Tout va donc dépendre de la force de la mobilisation dans les semaines à venir contre le projet de loi. Pour rappel, ce texte supprime le droit à l'interruption de grossesse en Espagne et autorise l'avortement qu'en cas de danger prouvé pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme, ou après un viol ayant fait l'objet d'une plainte préalable.
Il représente un retour de quarante ans en arrière, au temps de la dictature de Franco (de 1939 à 1975), lorsque les femmes espagnoles étaient contraintes d'aller à l'étranger, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, pour avorter. Aujourd’hui, en Espagne, le bras-de-fer entre le gouvernement et les opposants au texte ne fait que commencer.