Ukraine: Sloviansk sous contrôle, les regards se tournent vers Donetsk

Le drapeau ukrainien flotte à nouveau sur les bastions séparatistes de Sloviansk et Kramatorsk. L’armée ukrainienne contrôle désormais ces deux villes de l’est russophone, passées aux mains des rebelles à la mi-avril. Le président ukrainien Petro Porochenko a qualifié la reconquête de Sloviansk de tournant. Tous les regards sont désormais tournés vers Donetsk.

Les troupes de rebelles pro-Russes ont pris l’initiative de quitter Sloviansk. Elles contrôlaient la ville depuis le 12 avril. Ce jour-là, des commandos d’hommes masqués, en treillis vert, lourdement armés, s’étaient rendus maitres des lieux, en paradant sur des tanks qu’ils avaient pris à l’armée ukrainienne, sous les acclamations de plusieurs centaines d’habitants très remontés contre les nouvelles autorités de Kiev - et qui voyaient, en ces hommes, leurs sauveurs.

Cette fois, les choses se sont passées beaucoup plus discrètement : le chef militaire des séparatistes, Igor Girkine, dit Strelkov, que les autorités ukrainiennes soupçonnent d’être un officier du renseignement militaire russe, a pris l’initiative d’évacuer Sloviansk. Les rebelles ont quitté les lieux samedi aux aurores, visiblement à la hâte, et se sont dirigés vers le sud, d’abord vers Kramatorsk, puis à Donetsk, à une centaine de kilomètres. A la faveur du départ des miliciens pro-Russes, les militaires ukrainiens ont investi la ville et commencé à distribuer des produits alimentaires à une population qui a payé un lourd tribut aux combats à l’arme lourde de ces dernières semaines.

Depuis que le président Petro Porochenko a pris l’initiative, la semaine dernière - contre l’avis de Moscou, Berlin ou Paris -, de mettre fin au cessez-le-feu, les opérations militaires contre les positions des insurgés ont repris de plus belle. La nomination d’un nouveau ministre de la Défense, Valeriï Gueleteï, ancien chef du service de protection des personnalités publiques - plus combatif que son prédécesseur -, joue aussi son rôle.

Plusieurs versions circulent pour expliquer ce repli des insurgés. Certains séparatistes auraient conclu un accord avec l’armée ukrainienne, qui leur aurait laissé la voie libre pour quitter Sloviansk sans pertes. Les chefs des rebelles parlent, eux, de repli tactique. Mais en même temps, ils ne cachent pas leur amertume envers Moscou, qui ne leur a pas apporté l’aide tant attendue. Si des combattants et des armes ont facilement passé la frontière ces derniers mois, les séparatistes attendaient plus du Kremlin : ils voulaient une intervention des troupes russes, mais Vladimir Poutine, qui avait massé 40 000 hommes près de la frontière, semble avoir renoncé à l’option militaire.

L’armée ukrainienne a donc gagné du terrain, mais la situation est loin d’être stabilisée. Il y a toujours de violents combats à l’arme lourde à Lougansk, chef-lieu régional, notamment autour de l’aéroport de la ville. Une bonne partie des insurgés de Sloviansk a par ailleurs réussi à gagner l’autre grande ville de la région : Donetsk. Le chef rebelle Igor Strelkov a dit vouloir en faire une citadelle face aux forces gouvernementales. Mais pour l’armée ukrainienne, prendre une ville comme Donetsk - un million d’habitants - sans provoquer de gros dégâts, voilà qui relève de la gageure.

Le président Petro Porochenko a donné l’ordre, dans un premier temps, de resserrer l’étau autour des séparatistes pour organiser un blocus complet. Les forces ukrainiennes sont actuellement positionnées aux abords ouest et sud de la ville. Elles progressent depuis le nord. Difficile, néanmoins, de savoir quel est le potentiel militaire réel des rebelles. Selon le quotidien russe Komsomolskaya Pravda, Igor Strelkov avait sous ses ordres 2 000 combattants à Sloviansk. A Donetsk, les deux principaux groupes armés réuniraient quelque 5 000 hommes. Mais rien ne dit que tous accepteront d’obéir aux ordres de Strelkov. Des dissensions sont apparues ces derniers temps au sein du mouvement séparatiste.

La diplomatie, elle, semble au point mort. Les ministres des Affaires étrangères français, allemand, russe et ukrainien s’étaient mis d’accord la semaine dernière à Berlin, pour faciliter la tenue de négociations entre les représentants de Kiev et les rebelles. Ces discussions devaient se tenir samedi, mais les derniers développements sur le terrain ont bouleversé la donne.

Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, qui avait été à l'initiative de la réunion de Berlin, appelle Kiev à dialoguer avec les séparatistes pour rechercher un cessez-le-feu. C'est aussi le vœu de Moscou. Dimanche, une réunion de représentants de l'Ukraine, de la Russie et de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) s’est tenue à Kiev, mais les participants se sont bornés à « souligner l'urgence de faire des progrès concrets vers un règlement pacifique » de la crise ukrainienne.


■ LA SITUATION UKRAINIENNE VUE DE RUSSIE

Première réaction officielle du ministre russe des Affaires étrangères à l’offensive militaire ukrainienne dans l’est. Sergueï Lavrov s’est exprimé ce lundi à l’occasion de sa visite à Sofia en Bulgarie, comme le relate notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne.

Le chef de la diplomatie russe a appelé à une trêve, car « notre intérêt commun est d’arrêter le plus vite possible l’effusion de sang », fait-il valoir. « Il n’y peut y avoir aucune raison ni aucun prétexte pour retarder la mise en œuvre d’un cessez-le-feu immédiat », considère M. Lavrov. Il regrette que Kiev exige des séparatistes qu’ils déposent les armes avant l’instauration d’un cessez-le-feu bilatéral. « Cette exigence s’apparente à une capitulation », estime le ministre russe.

Sergueï Lavrov regrette également que la rencontre prévue du groupe de contact avec les séparatistes n’ait pas eu lieu, malgré l’accord en ce sens trouvé le 30 juin entre l’Allemagne, la France et l’Ukraine. « Nous sommes convaincus, ajoute-t-il, qu’une trêve permettra de relancer les négociations sur le processus politique. » Enfin, il a une nouvelle fois fait une différence entre l’attitude des pays européens, « qui se comportent de façon responsable », et les Etats-Unis, dont il souhaite qu’ils adoptent le même comportement.

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