Ukraine: un cessez-le-feu qui n'en a que le nom

Vladimir Poutine a mis les forces armées du centre de la Russie en état d'alerte. Cette décision, vivement critiquée par Washington et par l'UE, fait suite à l'annonce unilatérale d'un cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine. Mais les séparatistes pro-russes refusent toujours de déposer les armes. L'armée ukrainienne a également violé cet accord en tirant à plusieurs reprises près de la ville de Slaviansk, le bastion des insurgés.

Reportages de nos correspondants en Ukraine, Damien Simonart et Sébastien Gobert

« Nous avons suffisamment force et de volonté politique pour porter un coup décisif aux formations illégales armées. » Dans une annonce télévisée samedi, le président ukrainien défend sa décision de décréter un cessez-le-feu unilatéral, en vigueur depuis vendredi 20 juin au soir. Mais sur le terrain, les affrontements se poursuivent.

Le village d'Andreevka près de Slaviansk est situé à la pire des places, entre la ligne de front de l'armée ukrainienne et celle des séparatistes pro-russes. Lila Ivanovna, une conseillère municipale du village, vit au rythme des bombardements depuis plus de deux mois. Malgré l'instauration du cessez-le-feu, les tirs continuent et Lila en tient le nouveau président Petro Porochenko pour responsable : « Non, je ne le crois pas. Et en général ici, les gens ne lui font pas confiance. Peut-être qu'il est temps que notre président et notre gouvernement comprennent qu'il faut arrêter tout ce désordre. »

Le cessez-le-feu: une erreur stratégique?

A 30 km de là, à Siversk, théâtre de violents combats cette semaine, une cinquantaine de séparatistes pro-russes font le plein de munitions. Leur arsenal est garni : grenades, mortiers, véhicules blindés et même un tank pris à l'armée ukrainienne. Pour Denis, 40 ans, combattant pro-russe, le cessez-le-feu qui court depuis vendredi n'est qu'un leurre : « Ils mentent à Kiev !, s'exclame-t-il. Ils ont proposé un cessez-le-feu mais ils nous tirent dessus, au mortier, au lance-grenade, au lance-roquettes... Aujourd’hui, la météo est mauvaise et ils ne volent pas. Sinon, les avions seraient venus nous bombarder. » Un moment d'accalmie bienvenu pour les séparatistes.

En attendant, l'armée ukrainienne reste aussi sous le feu des pro-Russes. Deux postes-frontières et au moins trois positions de l'armée ukrainienne ont été attaqués par les groupes armés des séparatistes dans l'est de l'Ukraine. Les attaquants ont utilisé des grenades, des mortiers et des tireurs d'élite, faisant au moins neuf blessés parmi les soldats ukrainiens.

La question est donc ouvertement posée : la décision de décréter ce cessez-le-feu est-elle une erreur stratégique ? L'expert militaire Dmytro Tymchouk rappelle que la frontière n'est toujours pas sous contrôle. Des chars d'assaut, des véhicules blindés et des camions de transport de troupes sont arrivés hier dans la ville de Lougansk, en provenance de Russie.

La Russie souffle le chaud et le froid

Accusée d’attiser les tensions en Ukraine, Moscou a pourtant envoyé samedi un message de conciliation, rapporte notre correspondant à Moscou, Etienne Bouche. Vladimir Poutine a déclaré « approuver la décision du président Petro Porochenko de cesser le feu dans le sud-est de l’Ukraine, ainsi que son intention déclarée de prendre un certain nombre de mesures pour parvenir à un règlement pacifique ».

Mais le président russe exprime aussi des réserves : « Le plan proposé, s’il n’est pas suivi d’effets concrets en vue de l’ouverture d’un dialogue, ne sera ni viable, ni réaliste ». La diplomatie russe le répète, un compromis doit être trouvé avec les autonomistes. « Le plan de paix ne doit pas avoir un caractère d’ultimatum », écrit Poutine. C’est aussi le mot qu’avait employé Sergueï Lavrov samedi en visite en Arabie Saoudite. Le chef de la diplomatie russe avait déploré une « intensification » des opérations ukrainiennes, malgré le cessez-le-feu.

Rappelons que le ministre russe de la Défense a annoncé hier un examen complet des troupes basées dans l’Oural et dans l’ouest de la Sibérie. Les manœuvres doivent durer jusqu’au 28 juin.

Partager :