Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
Pour les procureurs chargés de l’instruction, il y a déjà une quasi certitude : ce n’est pas l’explosion accidentelle d’un transformateur électrique, comme avancé depuis le début, notamment par le ministre de l’Energie, qui est à l’origine de la catastrophe.
Selon eux, il y avait des signes avant-coureurs très clairs d’un danger imminent, qu’évoquent souvent les mineurs dans leurs témoignages, et c’est pour cela que d’entrée de jeu les principaux dirigeants ont été interpellés, longuement interrogés. Cinq d’entre eux ont été écroués en qualité de suspects, et non de témoins. « Pourquoi n’avez-vous pas stoppé la production ? », leur a-t-on demandé, entre autres, lors de cette comparution, alors que depuis plusieurs semaines le lignite extrait sortait brûlant, montrant tous les signes du début d’une auto-combustion qui pouvait à tout moment s’avérer fatale, ce qu’elle est devenue.
Pour une fois, la justice a agi vite et frappé fort, répondant à l’indignation qui parcourt le pays. Le ministère du Travail a également annoncé l’ouverture d’une enquête sur les missions effectuées par les inspecteurs qui ont donné un blanc-seing à l’activité de cette houillière. Dès mardi, le Parlement sera saisi d’une demande de l’opposition pour la constitution d’une commission d’enquête qui, contrairement à celle repoussée par les députés de l’AKP au pouvoir quinze jours avant l’accident, devrait cette fois être acceptée.
Emotion et colère dans tout le pays
Les opérations de secours avaient à peine pris fin samedi que, dès la fermeture des puits de la mine, vingt-huit procureurs entamaient déjà leur enquête de terrain. L’instruction avait en effet été ouverte dès les premières heures de l’accident, mardi.
Contrairement au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui évoquait la fatalité et le risque de mort intrinsèquement lié au métier de mineur, l’inspection du travail a en tous cas promis une enquête qui ira au bout et n’épargnera aucun possible responsable.
Il faut dire que l’émotion est grande en Turquie. Il s’agit de la plus grave catastrophe minière de l’histoire du pays, et la colère s’exprime quotidiennement, que ce soit dans la région de la mine ou dans les rues des grandes villes comme Istanbul, Ankara ou Izmir.