Ukraine: « C'est le début d'une guerre»

Il y a une semaine les accords de Genève laissaient entrevoir l'espoir d'un apaisement en Ukraine. Ces accords prévoyaient notamment le désarmement des groupes illégaux et l’évacuation des bâtiments occupés aussi bien de la part des pro-Occidentaux à Kiev que des séparatistes pro-russes dans l’Est. Tout cela est resté lettre morte. Kiev accuse Moscou de « vouloir une troisième guerre mondiale ». Pour Galia Ackerman, journaliste, écrivain et historienne, spécialiste du monde russe et ex-soviétique, la guerre est déjà là.

RFI : Il y a une semaine, les accords de Genève laissaient entrevoir l’espoir d’un apaisement. Accord, on le rappelle, qui prévoyait notamment le désarmement des groupes illégaux et l’évacuation des bâtiments occupés, aussi bien de la part des pro-Occidentaux à Kiev que des séparatistes pro-Russes dans l’est. Aujourd’hui, force est de constater que ça ne marche pas. Est-ce à dire que l’on est arrivé à un point où finalement la diplomatie n’arrivera à rien pour régler ce conflit ?

Galia Ackerman : Oui, je suis tout à fait d’accord avec votre analyse. Mais je crois que malheureusement les accords de Genève ont d’emblé été lettre morte, tout simplement parce que la Russie commet quand même une sorte de mensonge de base, quand elle parle des insurgés civils à l’Est, alors qu’il s’agit de groupes armés. Et je vous donne le dernier exemple. Il y a quelques heures, par un tir de snipper, une explosion s’est produite d’un hélicoptère appartenant à l’armée ukrainienne à Kramatorsk une des villes de Donetsk en proie au désordre. Il ne faut pas dire quand même qu’il s’agit d'une révolution de civils. C’est une véritable guerre. Il y a des gens qui ont été armés, soit directement par les Russes, soit dès qu’ils se sont emparés d’entrepôts d’armes à la suite d’assauts de bâtiments de la police des services de sécurité dans plusieurs villes de Donetsk. Et donc c’est déjà une opération militaire avec les troupes russes massées à la frontière. Donc oui, c’est le début d’une guerre.

Vous dites c’est une guerre. Kiev, ce matin, utilise des mots « choc » et évoque une troisième guerre mondiale. C’est une manière aussi de mobiliser un peu plus l’opinion, en tout cas la scène internationale ?

Je crois que la scène internationale est déjà suffisamment mobilisée. Ceci ne veut pas dire qu’un pays occidental quelconque ou l’Otan, des armées des institutions européennes vont intervenir militairement sur le terrain. Cela n’est même pas attendu par les autorités de Kiev. Ce que l’opinion publique ukrainienne et les autorités ukrainiennes attendent de l’Europe, des Etats-Unis, du monde occidental dans son ensemble, c’est des sanctions extrêmement dures et rapides à l’encontre de la Russie.

Et pour l’instant les sanctions sont d’ordre économique. Ça ne fonctionne pas. Il faudrait aller jusqu’où, selon vous ?

Déjà, il faut limiter les mouvements de l’élite dirigeante russe en Occident, geler leurs comptes. Ça a été fait, mais de façon très symbolique. Et ensuite les vraies sanctions, c’est sûr que ça prendra du temps, mais déjà leur annonce sur un ton catégorique peut avoir un effet dissuasif. Il s’agit tout d’abord de cette rente pétrolière et gazière sur laquelle vit en grande partie l’économie russe. Si on arrive à diminuer la dépendance énergétique de l’Occident, même si ça nous cause des inconvénients temporaires et donc diminuer les ressources de l’Etat russe, ce sera peut-être une mesure assez efficace.

L’échéance présidentielle se rapproche en Ukraine. Les élections sont programmées pour le 25 mai. Est-ce que c’est le nouvel objectif de Moscou, faire capoter à tout prix ce scrutin ?

Ce n’est pas un nouvel objectif, parce qu'il a déjà été clairement annoncé depuis un moment. Moscou ne reconnaît pas la légitimité du nouveau pouvoir ukrainien, issu en fin de compte, de la contestation du Maïdan. En effet, c’est un gouvernement légitime dans le sens que la procédure des nominations a été légitime. Mais le président et la Rada ne sont pas issus actuellement entièrement des urnes. Le président pas du tout et la Rada en partie. Et donc s’il y a une nouvelle élection le 25 mai comme c’est prévu, cela permettra à l’Ukraine d’être gouvernée de façon pleinement légitime. C’est pourquoi les Russes ont déjà proclamé qu’une élection n’aura pas lieu. Par contre en Ukraine il est très probable qu’elle n’aura pas lieu par exemple dans les régions de l’Est comme Donetsk et Lougansk. Et à cause de cela, cette élection aux yeux des Russes, d’emblée est déjà proclamée non légitime. Maintenant, je pense que l’objectif russe c’est que cette élection tout simplement n’ait pas lieu. On va voir dans les jours qui viennent quel scénario sera adopté pour essayer de parvenir à cet objectif.
 

Partager :