Le président par intérim Olexandre Tourtchinov a annoncé une opération anti-terroriste dans le nord de la région de Donetsk devant le Parlement ce mardi matin. Elle sera « graduelle, responsable et réfléchie » a-t-il déclaré.
Choses vues à Slaviansk...
Mais à Slaviansk, ville concernée au premier chef par l'opération annoncée, occupée par des insurgés depuis samedi, rien n'indique que des troupes s'approchent, indique ce mardi à la mi-journée, notre envoyée spéciale, Anastasia Becchio. Un chien se prélasse au soleil, un enfant fait du roller et quelques femmes âgées discutent sur un banc devant une barricade de pneus qui barrent l’entrée de la rue où se trouve ce poste de police.
Une dizaine d’hommes casqués, cagoulés pour certains, montent la garde, tout en dialoguant de façon détendue avec les gens, peu nombreux. Il y a là quelques drapeaux, des pancartes réclamant un référendum sur le statut de la région du Donbass et une grande banderole aux couleurs de cette République souveraine proclamée à Donestsk la semaine dernière par les pro-Russes. Des hommes portant des masques médicaux montent la garde sur les barrages de la route qui relie Donetsk à Slaviansk. « Si les blindés étaient en route on ne laisserait plus passer personne », explique l’un de ces hommes devant un amas de sac de sable. « L’opération anti-terroriste ce n’est que de la propagande de Kiev », ajoute son acolyte. On ne croit pas ici à une arrivée prochaine de l’armée ukrainienne dont les unités sont pourtant massées à moins de 50 kilomètres de là, à Izioum : des témoins signalent des tanks, un hélicoptère et des véhicules de transport de troupes qui sont pour le moment à l’arrêt.
Obama a appelé Poutine
La Russie maintient la pression à 48 heures de pourparlers à quatre qui vont réunir représentants de l'Ukraine, de la Russie, des Etats-Unis et de l'Union européenne jeudi à Genève. A Pékin, où il est en déplacement ce mardi, Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, est venu chercher le soutien de la Chine dans la crise ukrainienne.
Car lundi soir, Washington avait vivement réagi aux occupations de bâtiments administratifs par des manifestants pro-russes dans de nouvelles villes de l’est du pays en les qualifiant de « provocation inacceptable ». Barack Obama a appelé Vladimir Poutine : le président américain a déclaré à son homologue russe être « très inquiet » des actions de Moscou en Ukraine. Vladimir Poutine lui a répondu, en dénonçant comme des « spéculations basées sur des informations infondées » les accusations d'ingérence de Moscou dans l'est de l'Ukraine.
La Maison Blanche a par ailleurs confirmé lundi que le directeur de la CIA s’est rendu à Kiev le week-end dernier, rapporte notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio. Une information qui fâche Moscou mais les Américains ont opposé une fin de non recevoir à la demande d’explications du ministre russe des Affaires étrangères. John Brennan a bien effectué un déplacement en Ukraine, une « visite de routine » pour le directeur de la CIA, explique la Maison Blanche, sans vouloir livrer plus de détails.
Dans la foulée, le département d’Etat rappellait que tous les canaux possibles de coopération entre Washington et Kiev sont activés. Une équipe composée d’experts du ministère de la Justice, du Trésor et du FBI sont en ce moment en Ukraine pour aider à la collecte de preuves sur d’éventuels détournements de fonds publics. Des experts américains apportent par ailleurs leur aide aux Ukrainiens sur des dossiers aussi divers que l’approvisionnement en énergie ou l’organisation des élections.
« Provocations » russes
Sur le plan militaire, la Maison Blanche s'inquiète de « provocations » russes car d’après le ministère américain de la Défense, Moscou met d’ailleurs tout en œuvre pour tenter de susciter une réaction qui justifierait une action militaire de sa part. Deux avions militaires russes ont par exemple rompu toutes les règles en s’approchant du Donald Cook, un destroyer américain qui patrouille dans la mer Noire en ce moment. L’un des appareils est passé à une douzaine de reprises très près du navire. L’incident a duré une heure trente, confirme le colonel Steve Warren. Ce dernier ne croit pas à l’acte d’un pilote téméraire. Le responsable militaire américain se dit persuadé que le pilote russe avait reçu des consignes.
Ouverture politique lundi à Kiev
Le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov avait évoqué lundi la possible tenue d'un référendum sur l'unité nationale en même temps que le scrutin présidentiel le 25 mai.
Mais pour le président par intérim, il s'agit d'un référendum national, qui porterait sur l'organisation de l'Etat ukrainien, quand les insurgés veulent des scrutins locaux. La Russie a rejeté cette proposition, rapporte Muriel Pomponne, notre correspondante à Moscou. « Une commission au Parlement de Kiev est, paraît-il, en train de travailler sur un projet de réforme constitutionnelle, mais personne ne sait de quoi il en retourne, a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Et l'avis des habitants du sud et de l'est de l'Ukraine n'a pas été sollicité ».
Appels à l'aide de l'Est de l'Ukraine
Le Kremlin a, dans le même temps, fait savoir lundi que Vladimir Poutine recevait de « nombreuses demandes » d'aide des régions de l'est ukrainien et suivait la situation avec « beaucoup d'inquiétude ». Des déclarations qui renforcent les craintes d'intervention militaire puisque le président russe s'est engagé à assurer « à tout prix la sécurité des populations russophones » de l'ex-URSS. Toutefois, le chef de la diplomatie russe a réaffirmé hier que la Russie avait intérêt à une Ukraine unie à ses côtés.