Nul doute que les photographies réalisées par les satellites-espions de l'Otan sont des plus précises. Mais celles-là, contrairement à celles de DigitalGlobe, seuls les généraux de l'organisation transatlantique ont le droit de les voir.
Les documents présentés par le centre de gestion de crise de l’Otan permettent toutefois de se faire une idée de l'ampleur du déploiement russe aux portes de l'Ukraine. Les prises de vue ont été réalisées entre fin mars et début avril. Sur certains clichés, on distingue des alignements de véhicules militaires, des camions, des blindés et peut-être des lance-roquettes multiples, lointains héritiers des fameux orgues de Staline. Des pièces d'artillerie prêtes à l'emploi, assure l'Alliance atlantique.
L'Otan prépositionnée pour surveiller son meilleur ennemi
Sur l'une des photos, une vingtaine d'hélicoptères sont stationnés dans un champ près de Belgorod, à une quarantaine de kilomètres de la frontière ukrainienne. Une aire d'atterrissage qui n'existait pas auparavant, assurent les experts de l'Otan.
Certaines bases aériennes délaissées depuis des années accueillent de nouveau des avions de guerre. C’est vrai pour des terrains d'aviation non loin de la mer d'Azov, alors que la base de Primorsko dans le sud de la Russie, où étaient stationnés quelques avions d'attaque, a vu ses moyens renforcés par de puissants chasseurs Sukhoi. Entre démonstration de force de la Russie et communication atlantiste, chacun fourbit ses armes aux portes d'une Ukraine menacée de partition.
L'Otan n'est en effet pas en reste. Depuis le début de la crise en Ukraine, l’Alliance atlantique a surtout renforcé ses moyens aériens. Chaque jour, un des dix-sept avions Awacs de l’Otan survole la Pologne et la Roumanie. Depuis le 1er avril, un Awacs français patrouille au-dessus des Pays baltes tous les trois ou quatre jours. Grâce à ces avions, les alliés surveillent l’espace aérien dans un périmètre de 400 kilomètres. Ils peuvent donc observer les mouvements russes jusqu’en Crimée, par exemple.
Un vaste réseau satellite pour observer les mouvements de troupes
S’agissant de ses moyens maritimes, l’Alliance pourrait décider la semaine prochaine de déployer ses propres navires militaires dans les eaux de la mer Noire. Le destroyer américain USS McDonald est déjà sur place, et ce vendredi, le navire d'écoute français de la DGSE, le Dupuy-de-Lôme, a été signalé passant le détroit du Bosphore pour entrer en mer Noire. A Paris, l'état-major a confirmé l'information sans donner plus de détails. Le ministère de la Défense rappelle toutefois que l'arrivée du navire était prévue de longue date, la convention de Montreux sur le passage des détroits imposant une demande d'autorisation au moins quinze jours au préalable.
Toutefois, le déploiement du Dupuy-de-Lôme n'est jamais anodin. Dans la marine française, c'est le navire dédié à l'espionnage. On l'aperçoit généralement dans les zones de tension, au large de la Libye en 2011, au Proche-Orient ou dans la corne de l’Afrique. Ce navire peut intercepter les conversations radios ou les signaux électromagnétiques, et donc éventuellement récolter du renseignement sur les mouvements des troupes ou des navires russes.
L’Alliance atlantique s’appuie, enfin, sur un vaste réseau satellitaire pour observer les mouvements des troupes russes. Mais les militaires ne laissent filtrer aucune information sur ce dispositif, pas plus, expliquait l’un d’eux, qu’un journaliste ne dévoile ses sources.
■ ZOOM : La France fournit ses propres clichés
La France reconnaît qu'elle fournit depuis le début du mois des avions-radars Awacs destinés à renforcer la surveillance de l'Otan au-dessus des l'Europe de l'Est. Une décision prise en réponse à la crise ukrainienne. Les avions partent d'Avord, dans le centre de la France, et effectuent des missions régulières, précise le colonel Gilles Jaron porte-parole de l'état-major des armées à Paris.