Depuis hier, le petit oiseau bleu gazouille à nouveau. « Il est libre au moins jusqu’aux prochaines élections », ironisait hier la blogosphère turque, peu après le retour en grâce du site Twitter. C’est bien l’approche du dernier scrutin, qui apparaissait comme un examen crucial pour le gouvernement, qui a poussé la direction des Télécommunications à fermer le site où s’échangeaient des informations, des révélations nuisibles à la réputation du Premier ministre, de ses ministres, de leurs familles.
En février, le gouvernement avait adopté une loi extrêmement restrictive pour Internet qui autorisait le gouvernement à fermer tout site portant atteinte à la morale ou à la vie privée des personnes. Mais ce sont bien des considérations purement politiques et électorales qui ont poussé le gouvernement à censurer Twitter, suscitant une avalanche de critiques, et finalement, jeudi 3 avril, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt énonçant que la suspension de Twitter était illégale et portait atteinte à la liberté d’expression.
YouTube à son tour dans l'oeil du viseur
L'Internet en Turquie n'est pas sorti d'affaire pour autant, d'autres média sociaux demeurent limités ou bloqués. Le gouvernement en veut à ces média sociaux qui le critiquent beaucoup depuis le grand mouvement de contestation de juin dernier. Ils servent notamment à organiser des manifestations, et le Premier ministre a souvent dénoncé ces réseaux sociaux comme le mal absolu, la perversion. Il dénonçait il y a peu la génération de robots, les internautes qui reçoivent et transmettent des tweets, des posts, des photos déplaisantes. Il avait menacé, avant les élections, de tout fermer après le scrutin.
Une semaine après Twitter et quelques jours avant le vote de dimanche, il avait fait fermer YouTube. Des connexions alternatives de Google permettant de contourner la censure sont également bloquées par la même direction des Télécommunications. Il y a quelques mois, c’est le site Soundcloud qui avait été censuré, et beaucoup craignent pour Facebook. La Turquie est un des pays les plus répressifs au monde dans ce domaine.
Une interdiction facilement contournée
Twitter avait reçu le soutien du président de la République. Dès le premier jour de la clôture du site, le président Abdullah Gül avait critiqué cette décision sur son compte Twitter dont il est un utilisateur très assidu. Il a aussi réaffirmé hier, peu avant la levée de l’interdiction, que ce genre de mesure était intolérable. Et il a surtout rappelé qu’une telle interdiction était vaine, car il est relativement facile de la contourner en changeant les paramétrages de la connexion internet, et c’est ce qu’il a fait, à l’instar de nombreux ministres.
C’est comme cela que dans les premières heures après l’interdiction, il y a eu plus de tweets postés que jamais dans l’histoire de Twitter en Turquie, qui compte quelque 12 millions d’abonnés. Le flux des échanges a ensuite chuté, et ni lui ni personne n’a été poursuivi pour avoir contourné l’interdiction.