De notre correspondant à Berlin,
Jean-Marc Ayrault avait lors de sa nomination l’image en Allemagne d’un « Deutschland-Versteher », de quelqu’un qui connaît et comprend bien le pays voisin. Après la disparition politique de Dominique Strauss-Kahn, autre germanophone socialiste, il était perçu comme celui qui pouvait contribuer à mieux faire comprendre la politique faite et voulue par Berlin en France au moment où « Merkozy », le rapprochement entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, avait suscité des critiques en France à gauche, parfois non dépourvues d’accents germanophobes.
Jean-Marc Ayrault s’est rendu à plusieurs reprises en Allemagne en tant que Premier ministre. L’ancien agrégé d’allemand s’y est exprimé dans la langue de Goethe également pour une interview avec la première chaîne de télévision ARD. Il s’est également rendu à Wurzbourg en Bavière, là où le jeune Jean-Marc Ayrault avait effectué un séjour à la fin des années 1960. Reste qu’en Allemagne, en bonne logique, l’interlocuteur privilégié restait depuis deux ans le président de la République François Hollande plus que son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
Programme critiqué
Après le rapprochement entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, on le sait, Berlin souhaitait plutôt la réélection du président sortant. Le programme de François Hollande a été sévèrement critiqué dans la presse germanique comme étant passéiste.
Et, depuis l’élection de François Hollande, les commentaires n’ont pas été plus amènes. Des responsables conservateurs sous le manteau, mais parfois ouvertement, ont critiqué la politique économique et sociale du président français, réticent à mettre en place des réformes claires et un assainissement des finances publiques comme le prône le gouvernement Merkel.
La presse allemande n’a pas été plus tendre, avec des commentaires très sévères sur cette même politique, sur le refus du président français d’opter pour une ligne claire. La seule exception aura été sans doute, jusqu’à présent, l’intervention française au Mali qui a en revanche suscité en Allemagne des commentaires positifs.
Valls guère mieux loti
Les seules réactions à la nomination de Manuel Valls comme nouveau Premier ministre jusqu’à ce mardi matin sont celles de la presse germanique qui reste a priori sceptique. Le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine souligne par exemple que la nomination de Manuel Valls ne supprime pas le dilemme du président français pris en étau entre son aile gauche et les sociaux-démocrates du PS. « La politique reste illisible et mal expliquée » conclut le Frankfurter Allgemeine. Même tonalité dans un autre journal conservateur Die Welt qui voit dans la nomination de Manuel Valls « une dimension psychologique ». Pour le quotidien, le chef reste le président de la République « qui n’a pas su opter pour une ligne claire depuis deux ans ».
Les commentaires sur le nouveau Premier ministre ne sont pas plus enthousiastes. Le quotidien économique Handelsblatt évoque « un bilan peu convaincant de Valls » à la tête du ministère de l’Intérieur. Le journal de centre-gauche de Munich Süddeutsche Zeitung parle « d’un homme sans esprit d’équipe » comme l’hebdomadaire Der Spiegel sur son site qui évoque le « hardliner » de Hollande, l’homme à poigne nommé par le président de la République.