Avant de rencontrer Poutine, le président ukrainien donne des gages aux Occidentaux

Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, est arrivé jeudi soir 6 février à Sotchi, où il doit rencontrer son homologue russe, Vladimir Poutine, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture des JO après s'être entretenu dans la journée à Kiev avec la diplomate américaine Victoria Nuland. « Je souhaite procéder le plus rapidement possible » à une réforme constitutionnelle, lui a-t-il notamment déclaré.

Avec notre correspondant à Kiev, Laurent Geslin

Quelques heures avant de s'envoler pour Sotchi et y rencontrer Vladimir Poutine, le président ukrainien s'est prononcé en faveur du dialogue avec l'opposition et pour une réforme de la Constitution. « Je souhaite procéder le plus rapidement possible » à une réforme constitutionnelle, a-t-il assuré à Victoria Nuland, la secrétaire d'Etat adjointe américaine pour l'Europe.

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Cette réforme doit toutefois, s'est-il empressé d'ajouter, s’exercer dans le « respect de toutes les procédures ». Or c'est là où le bât blesse. L'opposition souhaite un retour rapide à la Constitution de 2004 pour réduire les pouvoirs présidentiels.

Le chef de l'Etat, lui, voudrait faire rédiger un nouveau texte. Viktor Ianoukovitch a aussi annoncé que « des mesures seraient prises prochainement pour accélérer la remise en liberté » des manifestants arrêtés pendant les récents heurts avec les forces de l'ordre.
Ces heurts avaient fait au moins quatre morts et environ 500 blessés.

Contreparties

Le chef de l'Etat a fait ces déclarations après que la Russie lui a adressé au cours des dernières 48 heures plusieurs mises en garde contre un changement de cap, laissant entendre, entre autres, que le versement de l'importante aide financière de Moscou dépendrait du comportement de Kiev.

S'il est satisfaisant, a fait savoir la Russie, Moscou maintiendrait son aide de 15 milliards de dollars à Kiev et maintiendrait aussi une baisse de 30 % du prix de son gaz livré à l'Ukraine.

« Il y a une pression qui augmente sur Ianoukovitch, note Volodymir Yermolenko, politologue et directeur de projets européens au sein du think tank Internews Ukraine, parce que son entourage fait face à des pressions des Etats-Unis - avec des restrictions de voyage par exemple. Il y aussi une pression économique sur les oligarques. Et de l’autre côté, on voit que la Russie a commencé de nouveau sa guerre commerciale contre l’Ukraine, contre la production ukrainienne. […] D’un point de vue géopolitique, on entre dans un jeu plus important que le jeu antérieur. »

Colis piégé

Sur le terrain, la tension reste vive. Selon une déclaration de l’opposition ukrainienne, plus tard confirmée par le ministère de l’Intérieur, un jeune militant originaire de la région de Lviv a été très sévèrement blessé par l’explosion d’un colis piégé, hier jeudi. Ce dernier avait été déposé place de l’Indépendance et il portait l’inscription « médicaments ». La victime a eu une main coupée et un œil très sévèrement touché

Depuis le début de la contestation, de nombreux sacs contenant de la nourriture, des vêtements ou des médicaments arrivent tous les jours dans la Maison des syndicats, le quartier général des protestataires. La police ukrainienne a déclaré qu’elle n’était pour le moment pas en mesure de procéder à une enquête, les opposants empêchant les fonctionnaires de rentrer dans le bâtiment.

Selon les militants qui tiennent le centre de Kiev, une autre bombe aurait été découverte dans la Maison ukrainienne, un centre de conférence pris par les manifestants dans la nuit du 25 au 26 janvier dernier.

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 ■ ZOOM : Les Ukrainiens se tournent vers le dollar

Depuis deux mois et le début de la crise politique qui touche l’Ukraine, la hryvna, la monnaie locale, a perdu 7 % de sa valeur. Ces derniers jours, les citoyens ukrainiens changent leurs économies en dollars.

Les Ukrainiens se souviennent bien de la terrible année 2008, quand le cours de hryvna s’était effondré de près de moitié en quelques mois. Comme beaucoup, Irina, comptable dans une entreprise française, a donc conseillé à sa famille d’acheter des dollars : « On a tout intérêt à avoir plus de devises que de hryvnas, d’où la forte demande en ce moment, liée à l’augmentation du cours de l’euro et du dollar. »

Irina s’est endettée pour acheter une maison. « Je n’ai plus d’économie, j’ai plutôt un crédit en devise, explique-t-elle. Ce qui pose certaines contraintes, notamment parce qu’on touche le salaire en hryvnas et le pouvoir d’achat maintenant est plus faible donc avec la même somme en hryvnas, je peux acheter moins de devises pour rembourser mon emprunt. »

Le PIB ukrainien a reculé de 6,4 % en 2013, le pays ne peut plus emprunter sur les marchés et l’Etat a besoin de 3 à 4 milliards de dollars par trimestre pour rembourser à la Russie ses dettes gazières.

L. G.

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