Ukraine: l’opposition exige plus que les gestes d’ouverture du pouvoir

Les chefs de file de l’opposition n’ont pas répondu explicitement à la proposition de Victor Ianoukovitch. Hier, samedi 25 janvier, le président ukrainien a fait un geste sans précédent en deux mois de crise : il a offert les postes de Premier ministre et de vice-Premier ministre à Arseni Iatseniouk et Vitali Klitschko, les personnalités les plus en vue du mouvement de contestation. Devant la foule de la place de l’Indépendance, ceux-ci ont expliqué qu'il n'était pas question de quitter les barricades, tant que toutes les requêtes n’auront pas été satisfaites.

Avec notre envoyée spéciale Anastasia Becchio et notre correspondant, Sébastien Gobert

L'opposition demande plus. L’amnistie des manifestants, c'est très bien, mais il faut avant tout abroger les lois liberticides passées par le régime le 16 janvier. Un régime parlementaire, c'est très bien, mais l'opposition demande des élections anticipées depuis des semaines, qui seraient la solution pour apaiser les tensions. A quoi cela servirait de constituer un nouveau gouvernement si la majorité au Parlement ne change pas ?

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Casque sur la tête et bâton à la main, Taras retourne vers les barricades de la rue Grouchevski, à l’entrée du quartier gouvernemental, là où de violents affrontements ont déjà fait plusieurs morts en une semaine.

« Avec cette concession, explique ce dernier, Ianoukovitch veut calmer les opposants, il veut sortir propre de cette crise et continuer à gouverner comme si de rien n’était, tranquillement, sans être inquiété. Mais nous, ça n’est pas ce que nous voulons. Nous allons nous battre jusqu’au bout. »

Mais l'opposition se comporte comme lors d'une vraie négociation policiticienne. Par exemple, Arseni Iatseniouk a été incapable, hier, de dire s'il se voyait futur Premier ministre de Victor Ianoukovitch ou non. « Le pays est au bord de la faillite, les caisses sont vides. Nous ne refusons pas mais nous n'acceptons pas », a déclaré cet économiste, proche de Ioulia Timochenko.

Leaders hués

Une indécision qui semble exaspérer les manifestants, qui ont hué les leaders de l'opposition, et ce, même pendant la traditionnelle intonation de l'hymne national. « Ce qui a été prononcé sur la scène est insuffisant pour le peuple, déplore Sveta, venue écouter, sceptique, les champions de l’opposition. Le peuple veut obtenir la démission du président et l’élection d’un nouveau Parlement. Un président qui a laissé des gens se faire tuer, des manifestants pacifiques, n’est pas digne d’être à la tête de notre Etat. »

Et alors que Arseni Iatseniouk et Vitali Klitschko continuent d'appeler au calme et aux manifestations pacifiques, la nuit a été marquée par des tensions autour d'un bâtiment où des unités de police ont été encerclées par des protestataires en colère.

A Kiev, s’est déroulé ce dimanche 26 janvier l’enterrement d’une des victimes des affrontements de cette semaine. Une foule compacte et recueillie s'est massée devant l’entrée de la cathédrale bleue aux bulbes dorés. Ne parviennent que quelques brides des chants et litanies funèbres. Des gens de tout âge sont là, des milliers de personnes qui tiennent un cierge ou une rose à la main. Beaucoup de gens en treillis également parmi lesquels des anciens de la guerre d’Afghanistan. On a également aperçu un des leaders de l’opposition, le boxeur Vitali Klitschko.

Un « héros de l'Ukraine »

En toque et manteau de fourrure, cette dame : « On enterre un héros de l’Ukraine ». Ce héros dont le cercueil repose au milieu de la cathédrale, c’est Mikhaïl Jiznevski, un militant d’une trentaine d’année, originaire de Biélorussie. Il a été tué d’une balle tirée au cours des affrontements du début de semaine entre policiers et manifestants sur les barricades. Officiellement ces violences ont fait trois morts, mais l’opposition dénombre déjà six victimes dans ses rangs. Pour tout cela, une marche d’hommage et une cérémonie religieuse sont organisées place de l’Indépendance.

L’opposition est dans une situation délicate. Les chefs le reconnaissent volontiers, ils affirment que les négociations se poursuivent. La tension est donc assez vive. Ils n’ont donc officiellement pas répondu à la proposition du président de nommer deux d’entre eux, Premier ministre et vice-Premier ministre. Une proposition assortie d’une condition : que cesse l’occupation du centre-ville, ce que rejettent catégoriquement les manifestants, en particulier les plus radicaux d’entre eux qui exigent la démission pure et simple de Viktor Ianoukovitch.

Le président pourrait être tenté de rejeter la faute sur l’opposition en cas d’échec des négociations et d’un nouvel embrasement. Pour le moment, la tension est quand même quelque peu retombée sur les barricades, comme ici d’ailleurs à la cathédrale Saint-Michel où c’est plutôt l’heure du recueillement.

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