Le président ukrainien propose la tête du gouvernement à l'opposition

Une nouvelle réunion a eu lieu ce samedi 25 janvier entre Viktor Ianoukovitch et les leaders de l'opposition. Le président ukrainien a proposé à l'opposant Iatseniouk de devenir Premier ministre, et à Vitali Klitschko de devenir vice-Premier ministre. Il s’est aussi dit prêt à réviser la Constitution. Des tentatives de négociations alors que la contestation s'est encore étendue dans le pays.

Article réactualisé régulièrement avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio

Visiblement, face à la tournure que prenaient les événements et à la radicalisation du mouvement, Viktor Ianoukovitch est poussé à faire des concessions. En plus des postes de Premier ministre et vice-Premier ministre, il se dit d’accord pour amender la Constitution et réduire les pouvoirs présidentiels. C’est l’une des nombreuses requêtes de l’opposition.

Comment la foule va-t-elle prendre ces nouvelles ? On a vu et entendu, ces derniers jours, de plus en plus de sifflets et de huées adressées aux chefs de l’opposition de la part des manifestants. Rien ne dit non plus que les manifestants jugent les propositions du président suffisantes.

« La lutte continue »

 « La lutte continue », a lancé, samedi soir, devant des dizaines de milliers de personnes réunies place de l'Indépendance, le nationaliste Oleg Tiagnibok, dont les militants sont très actifs dans la contestation. Ce sont ses partisans qui avaient investi la mairie de Kiev début décembre.

L'ancien boxeur Vitali Klitschko, auquel le chef de l'Etat a proposé de devenir vice-Premier ministre, a clamé qu'il ne voulait pas « reculer » et a demandé une élection présidentielle dès cette année, et non en 2015 comme prévu actuellement. Il a tout de même reconnu que « Ianoukovitch a satisfait un grand nombre de nos exigences », ajoutant que « les négociations se poursuivent ».

Le troisième leader de l’opposition Arseni Iatseniouk, auquel le président a proposé le poste de chef du gouvernement, s'est dit « prêt à prendre ses responsabilités », mais a ajouté ne « pas croire un mot » de ce qu'affirme le pouvoir. « Nous n'allons pas bouger de notre position », a martelé le leader du parti Baktivchtchina de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko.

Les trois opposants ont en outre rappelé qu'ils exigeaient toujours l'abolition des lois répressives adoptées le 16 janvier et qui ont entraîné une nette radicalisation du mouvement.

Les tensions persistent à Kiev

Ça reste très tendu sur les barricades. Les tirs de cocktails Molotov se sont arrêtés en début de soirée, mais la tension n’est pas retombée. Tout au long de l’après-midi, les détonations ont résonné à l’entrée de la rue Grouchevski, qui monte vers le Parlement, là où de violents affrontements ont eu lieu en début de semaine.

Postés sur les hautes barricades et les carcasses de véhicules calcinés, les manifestants ont envoyé des pavés et des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs de balles en caoutchouc. La police a arrosé constamment les pneus que les manifestants faisaient brûler pour créer un écran de fumée noire.

Ce samedi après-midi, le ministre de l’Intérieur, dont la rue réclame la tête, a fait une série de déclarations qui tranchent avec la main tendue du président. Il a expliqué que les efforts pour résoudre le conflit « sans faire usage de la force restent vains ». Il a également affirmé que les manifestants du centre de Kiev seront maintenant considérés comme des extrémistes, les accusant de stocker des armes à feu.

« Nous n’avons pas d’armes »

Masque de ski, cagoule et casque sur la tête, enveloppé dans un drapeau ukrainien, Taras tourne pour sa part les accusations du ministre en dérision. Il tient dans sa main un bâton avec un embout métallique. « Nous avons des armes, oui, regardez je vais vous montrer : voilà, c’est ce bâton ! », plaisante-t-il.

« Ca nous sert à briser la glace des trottoirs, explique Taras. Quand nous devons attaquer ou battre en retraite, comme ça nous ne tombions pas, voilà notre seule arme. Je parle pour moi, je fais partie de la 4e unité, et je peux dire que nous n’avons pas d’armes. » Selon lui, « le gouvernement veut nous faire peur et il essaye aussi d’effrayer la police avec nous. En fait, il attend que quelqu’un fasse un faux pas. »

« Laissez les radicaux, partez dans un endroit sûr »

En revanche, à l’entrée du quartier gouvernemental, à quelques dizaines de mètres des barricades, Andrij verse bel et bien de l’essence dans des bouteilles. En somme, il prépare des cocktails Molotov qui seront lancés de l’autre côté des barricades, sur les forces antiémeutes. « Ce sont des bêtes, justifie-t-il. Comment voulez-vous que nous les traitions ? Vous voudriez qu’on vienne les voir avec un drapeau et qu’on leur dise : "Les gars, allez faisons la paix" ? Ils vont nous tabasser ou nous abattre. »

« Laissez les radicaux (...) et partez dans un endroit sûr », prévient le ministre de l’Intérieur dans un communiqué, laissant redouter un assaut possible des forces antiémeute. A l’entrée des barricades, les manifestants sont en alerte.A noter cette nouvelle victime des affrontements de Kiev : ce samedi, un manifestant de 45 ans, blessé par balle au poumon, il y a trois jours, est mort dans la matinée à l'hôpital.

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