Malgré la mobilisation, le chalutage en eaux profondes va pouvoir continuer

La mobilisation pour protéger les abysses n'y aura rien fait. Le Parlement européen a rejeté hier, mardi 10 décembre, l'interdiction du chalutage en eaux profondes par 342 voix contre 326. Les pêcheurs français vont donc pouvoir continuer à utiliser cette technique pourtant très destructrices selon les scientifiques et les associations de défense de l'environnement.

L’interdiction du chalutage en eaux profondes est rejetée par les Eurodéputés. Cette technique de pêche qui consiste à tracter un filet gigantesque sur les fonds marins pourra donc continuer à être utilisée. Une technique qui cause des dommages irréparables. Les filets qui descendent jusqu’à 1 500 mètres de profondeur raclent les sols marins, endommageant coraux et détruisant les espèces fragiles. De nombreux chercheurs et associations souhaitaient donc la voir disparaître. Raté.

►A (RE)ECOUTER : Le chalutage en eaux profonde

Une nouvelle victoire du lobby de l’industrie de la pêche selon les écologistes qui s’étranglent lorsqu’ils entendent l’Eurodéputée socialiste, Isabelle Thomas, affirmer que « maintenir cette pêche, c’est sauver des emplois », alors que selon eux, en France, seule une dizaine de chaluts subventionnés pratiquent cette technique avec un rendement infime et quelques emplois seulement dans ce secteur.

« Honteux »

« Cela fait partie de l’éventail de mensonges possibles de cette langue de bois politique qui est insupportable, c’est de dire que des emplois vont être affectés alors qu’il y avait en effet la possibilité de convertir les pêches vers des méthodes qui sont 800 fois moins impactantes d’un point de vue de l’environnement et qui sont six fois plus créatrices d’emplois, se désole Claire Nouvian, fondatrice de l'association Bloom qui lutte pour le respect des écosystèmes marins. La vérité, dans tout cela, c’est qu'Intermarché n’avait aucune envie de créer des emplois. La vérité, c’est qu’ils n’avaient pas envie de payer des charges sociales, de réduire leur marge. C’est ça la vérité politique de ce dossier qui est honteux. Il y avait plus de 300 chercheurs qui étaient mobilisés pour faire interdire cette pêche. Une espèce de consensus scientifique, ce qui est très rare, et il a été mis à la poubelle. C’est-à-dire que nos politiciens français n’écoutent pas les chercheurs. Ils n’en ont rien à faire. Et ils n’écoutent pas non plus les citoyens quand ils se mobilisent. On demande un peu ce qu’ils écoutent. Ils regardent, ils font des calculs électoraux à longueur de journée. Et comme les lobbies doivent avoir des largesses envers eux en période électorale, on voit où leur fidélité va ».

« Prise de conscience »

Le Parlement s'est prononcé sur le principe d'une limitation de la pêche profonde à une large majorité, mais il a rejeté le premier amendement qui prévoyait son interdiction totale par 342 voix contre 326. Pour Justine Maillot, conseillère politique sur les questions de pêche à Greenpeace, cette courte majorité et la mobilisation révèlent tout de même le début d'une « prise de conscience ».

« Il est certain qu’il y a eu un lobby important de l’industrie. Et effectivement, cela a sûrement joué aujourd’hui dans la décision du Parlement européen. Mais il faut aussi se souvenir que le vote a été très proche et que de nombreux citoyens se sont mobilisés et ont apporté leur soutien à l’interdiction du chalutage profond. On peut aussi mentionner par exemple la décision de Carrefour et de Casino ces derniers jours de ne plus commercialiser en 2014 des poissons de grands fonds. Donc on voit qu’il y a quand même une prise de conscience importante et c’est vraiment dommage que le Parlement n’est pas suivi ce mouvement aujourd’hui ».

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