Article mis à jour régulièrement avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio
Ce lundi soir, le Premier ministre ukrainien, Mikola Azarov, a dénoncé un mouvement d'opposition « incontrôlable » et des méthodes « illégales » proches du « coup d'Etat ». Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, a estimé quant à lui que les évènements en cours à Kiev tenaient « plus du pogrom que d'une révolution ».
La Maison Blanche affirme que ces manifestations ne constituaient pas à ses yeux un coup d'Etat, et qualifie d'« inacceptable » la répression des protestataires par la police. Les Etats-Unis « exhortent les dirigeants ukrainiens à respecter la liberté d'expression et de réunion ».
De leur côté, la France, la Pologne et l'Union européenne ont appelé au dialogue et à l'arrêt des violences, alors que plusieurs centaines de personnes se sont massées ce lundi devant le siège du gouvernement à Kiev, dont elles bloquent toujours l’accès depuis le milieu de matinée, réclamant le départ de Viktor Ianoukovitch.
De l’autre côté du mur, des véhicules de police ont formé une deuxième barrière. Des policiers antiémeutes ont été dépêchés, mais d’une manière générale les forces de l’ordre se sont montrées jusqu'ici assez discrètes.
Ambiance festive
Il n'y a pas eu d'affrontement majeur ce lundi. Mais dans la soirée, plusieurs milliers de personnes occupaient toujours la place de l'Indépendance et d'autres lieux de la capitale. Les accès à la place sont bloqués tout comme l'entrée du siège du cabinet des ministres.
L'opposition a installé ses quartiers généraux dans deux batiments administratifs, et en particulier la mairie. Les manifestants agitent des drapeaux des trois partis de l’opposition ainsi que des drapeaux ukrainiens.La situation est par contre un peu plus tendue à quelques mètres de là, aux abords de l’administration présidentielle.
La rue qui mène à la résidence du chef de l’Etat est cernée par des barrières métalliques et un cordon de policiers antiémeutes a été déployé. Des manifestants munis de haut-parleurs demandent aux gens de ne pas s’arrêter là, par peur des provocations.
Dimanche, il y a eu à cet endroit de violentes échauffourées avec la police. Les débris et pavés épars qui jonchent encore le sol en témoignent. Mais cette tension tranche avec l’atmosphère en contrebas, sur la place de l’Indépendance bouclée par des sortes de barricades de fortune.
En dépit de la neige et du vent qui s’est levé, l’ambiance y est beaucoup plus festive. On mange, on chante, on danse. On écoute les orateurs. L'opposition reste déterminée à camper dans le centre de Kiev sous la neige.
Ianoukovitch sort de son silence
Le silence de Viktor Ianoukovitch alimentait toutes les rumeurs dans les rangs des manifestants. Le président a finalement accordé ce lundi soir un entretien aux télévisions ukrainiennes. Il y joue la carte de l'apaisement, appelant ses opposants à mener des actions pacifiques et se prononçant implicitement contre l'usage de la force.
ViKtor Ianoukovitch s’est aussi entretenu au téléphone avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Selon un communiqué publié par Bruxelles, les deux hommes se sont mis d’accord pour mener dans un futur plus ou moins proche des consultations sur la mise en œuvre de l'accord d’association avec l’Union européenne, que le chef de l’Etat ukrainien a pourtant refusé de signer au sommet de Vilnius la semaine dernière.
Cristallisation des tensions
Dans le même temps, le président s'élève contre l'occupation des bâtiments administratifs comme la mairie. Quelle sera sa réaction ? Va-t-il opter pour l’usage de la force ? Personne, à Kiev, ne sait ce qui peut se passer désormais. Selon le ministère ukrainien de l’Intérieur, cité par des agences russes, des unités supplémentaires de l’armée ont été envoyées à Kiev.
Le porte-parole du Premier ministre, Vitali Loukianenko, a cependant démenti ce lundi matin des rumeurs faisant état de l'éventuelle instauration de l'état d'urgence. « La question n'a pas été abordée », a-t-il déclaré à l’agence Interfax.
A noter qu'un cameraman de la chaîne internationale d'information Euronews, qui filmait les manifestations ce dimanche, affirme avoir été frappé à la tête par les forces de l'ordre, tandis que deux photographes de l'Agence France-Presse ont également été blessés.
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Sur la place de l’Indépendance, les manifestants restent en alerte, mais beaucoup veulent croire à un dénouement pacifique, comme cette dame qui a décidé de se mettre en grève pour venir ici soutenir « la révolution ». « Ianoukovitch n’a pas le choix. Il doit prendre son hélicoptère et s’envoler chez son ami Poutine. »
Le mouvement protestataire s'est étendu à d'autres villes ukrainiennes, principalement dans l’ouest du pays, comme à L'viv ou encore à Ivano-Franivsk.
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