Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio
La rue ne veut visiblement pas céder. Elle demande la tête de Viktor Ianoukovitch, le président ukrainien. Plusieurs dizaines de milliers de personnes marchent en ce moment sur la principale avenue de la ville aux cris de « Révolution » ou de « Dehors les criminels ».
Leur objectif est de rejoindre la place de l’Indépendance, haut lieu de la Révolution orange de 2004, cette place qui avait été bouclée par les forces de l’ordre depuis hier matin, depuis l’évacuation brutale de jeunes manifestants pro-européens. Mais subitement il y a quelques minutes, la police anti-émeute a quitté les lieux à mesure que la foule avançait. « Ils ont détalé comme des lapins », commente une manifestante qui estime que la rue a marqué un point : « Le pouvoir ne peut pas utiliser la force contre des dizaines de milliers de personnes ».
Le cortège poursuit maintenant sa progression vers la place de l’Europe, située tout près de la place de l’Indépendance. En tête du cortège, les chefs de l’opposition et des personnalités européennes. Après un début de manifestation tendue et quelque peu confuse, la tension semble maintenant retombée dans le cortège. Il n’y aura pas pour le moment de face à face avec les forces de sécurité, mais la détermination des manifestants reste inchangée.
→ A (RE)LIRE : Ukraine : l’Union européenne condamne «fermement» les violences
■ ZOOM : Un test pour l’opposition
Le rassemblement de ce dimanche est un vrai test pour l'opposition car les manifestations ont été interdites dans des lieux symboliques et parce que le risque d'être dispersés violemment par la police comme cela s'est passé samedi est tout de même présent.
Les violences de samedi matin, qui ont fait une trentaine de blessés parmi les manifestants, ont marqué les esprits mais aussi semble-t-il durci les positions. Les dirigeants des trois principales formations d'opposition pro-européenne notamment Patrie, le parti de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, se sont réunis hier pour fixer une stratégie. Arseni Iatseniouk, l'ancien ministre de l'Economie et chef de file de l'opposition l'a résumé ainsi : « Le temps des discussions est fini ».
Mise en place d'un état-major de résistance
L'opposition a formé un état-major de « résistance nationale » dans le but d'organiser une grève générale pour faire chuter le gouvernement et convoquer des élections anticipées. Depuis sa prison, l'opposante Ioulia Timochenko a appelé les manifestants à ne pas quitter la rue tant que le régime ne serait pas renversé.
Hier soir, ils étaient déjà 10 000 à braver le froid sur la place Mikhailovskoe, voisine de la place de l'Indépendance. Aujourd'hui, ils sont presque 100 000, venus de tout le pays à se réunir à Kiev.
Le président Victor Ianoukovitch a dit qu'il ferait tout pour accélérer le rapprochement avec l'Union européenne. Des déclarations raillées par certains opposants qui, sur Twitter font un parallèle entre la visite annoncée du président à Moscou dans quelques jours et l'anniversaire aujourd'hui du référendum de 1991 qui fit sortir le pays de la fédération soviétique.