Turquie: des sanctions et un arsenal juridique pour les hooligans

Après un match entre deux équipes stambouliotes entaché de violences dimanche 22 septembre - et sifflé avant la fin du temps réglementaire -, le gouvernement a durci le ton pour mettre fin à ces violences récurrentes autour du ballon rond. Des sanctions contre les clubs et contre les personnes, des poursuites judiciaires et un nouvel arsenal juridique ont été annoncés pour éviter de nouveaux débordements. Vendredi 27 septembre au matin, la police a arrêté à leur domicile des dizaines de supporters.

Les matchs de derby entre les grands clubs stambouliotes sont très souvent électriques. Mais dans cette rencontre opposant Galatasaray à Besiktas, dans le stade olympique tout allait bien jusqu'à la 91e minute, dans les prolongations, quand un tacle de Felipe Melo (Galatasaray) a été sanctionné par un carton rouge, ce qui a mis le feu aux poudres.

Des supporters de Besiktas ont envahi le terrain, agressé les joueurs puis les arbitres, puis les agents de sécurité et les journalistes, et cassé le matériel. Bref, un spectacle consternant car, même si les incidents sont récurrents autour des rencontres sportives - football comme basket d'ailleurs -, jamais des incidents aussi graves, sur la pelouse même, n'avaient eu lieu. Des dizaines de personnes ont été interpellées le jour même et dans les jours suivants.

A l'origine de cette confusion, des manquements dans le contrôle des billets permettant d'accéder au stade, puisque des milliers de supporters ont pu occuper les gradins sans billet, et se livrer à ces actes de hooliganisme.

« Tolérance zéro »

Rappelons que la Turquie est candidate pour être pays organisateur des Championnats d'Europe en 2020. C'est loin et il y a encore du temps, mais jusqu'à ce week-end, les mesures du gouvernement n'étaient tout simplement pas appliquées. Pour preuve, les déclarations du ministre des Sports, Suat Kiliç, qui annonçait jeudi 26 septembre l'application pleine et entière de la loi dite 6222, un dispositif adopté en 2011, mais à peine entré en vigueur. 

La « tolérance zéro » annoncée doit donc commencer par l'exécution des condamnations pour actes délictueux dans les stades, jusque-là systématiquement reportées, et jamais effectuées. Ainsi des peines de prison attendent les dizaines de supporters du week-end dernier, qui seront en outre interdits de stade pour un an.

Le ministre de l'Intérieur Muammer Güler a également annoncé que la police serait désormais responsable de la sécurité à l'entrée et dans les stades, au lieu des sociétés privées de surveillance qui sont accusées de laxisme.

Il y aura aussi un renforcement de la vidéosurveillance et la mise en place d'une billetterie électronique avec enregistrement de l'identité des supporters, pour suivre tous les spectateurs, supporters notoires ou non.

Les clubs seront aussi également tenus pour responsables des débordements de leurs supporters. Ainsi, le club de Besiktas sera privé de spectateurs pour les quatre prochaines rencontres. Des mesures indispensables pour prétendre accueillir de grandes compétitions internationales.

Contexte politique

Néanmoins, ces manifestations de violence ne sont pas très éloignées du contexte politique. Depuis les manifestations de Gezi, chacun - et en premier lieu le gouvernement - craignait que la politique ne s'invite dans les événements sportifs, et notamment footballistiques puisque les associations de supporters des grands clubs d'Istanbul s'étaient - fait historique - unies pour contester la politique du gouvernement.

C'est probablement ce qui s'est passé dimanche dernier, en arrière-plan de la compétition : beaucoup de commentateurs parlent ouvertement d'une « provocation » montée par un groupe de supporters jusque-là inconnu (« 453 Kartallar ») qui avait soigneusement préparé son coup, indépendamment du déroulement de la rencontre et de son résultat.

Ternir l'image de Çarşı

Lors des événements de Gezi en juin, le célèbre groupe des supporters de Besiktas, appelé Çarşı, s'était illustré en participant aux manifestations, et ses dirigeants sont d'ailleurs poursuivis en justice. Or le groupe incriminé dans les violences du week-end dernier se présente comme anti-Çarşı et dit condamner les slogans antigouvernementaux.

Les membres de Çarşı eux-mêmes, comme les dirigeants de Besiktas, démentent d'ailleurs toute implication dans ces débordements et réprouvent l'envahissement du terrain et l'utilisation de la violence. Selon les témoignages, ces provocateurs semblaient vouloir ternir un peu plus l'image des bouillants supporters du club qui sont dans le collimateur des autorités.

Mais il y a peu de chances pour que l'enquête de police judiciaire travaille dans cette direction. En tous cas, à toute chose malheur étant bon, la prise de conscience et le renforcement des mesures de sécurité après les incidents du week-end dernier devraient aider à ramener plus de sérénité dans les stades de Turquie.

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