Par notre correspondant à Nicosie, Michel Picard
En mars dernier, la Troïka a imposé une restructuration du système bancaire en échange du plan d'aide de 10 milliards d'euros. Tous les comptes de plus de 100 000 euros à Laïki Bank, aujourd'hui disparue mais qui était la deuxième banque du pays, ont été réduits à néant. Par ailleurs, tous les comptes de plus de 100 000 euros au sein de la première banque du pays, Bank of Cyprus, ont été ponctionnés à hauteur de 47 %.
Mais en échange, les déposants ont reçu des participations. Les anciens de Laïki Bank ont donc obtenu 18 %, et ceux taxés de la Bank of Cyprus 81 %. De leur côté, les anciens actionnaires ont vu leur part réduite à 0,5 %.
Les Russes, qui ont perdu des milliards d'euros, sont donc devenus majoritaires en participation et ont pu faire entrer six des leurs, mardi 10 septembre, au Conseil d'administration de la Bank of Cyprus, qui compte 16 membres.
En juin, le président Anastasiades avait pourtant lancé une mise en garde
Critiquant le plan de sauvetage imposé par Bruxelles, le président chypriote, Nicos Anastasiades, estime ainsi qu'« ils (la Troïka, ndlr) voulaient jeter les Russes hors de Chypre. Mais finalement, ils leur livrent notre principale banque. »
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La Banque de Chypre est la plus importante institution financière de l'île-pays, avec la moitié des dépôts du pays et près de 6 000 salariés. La personne qui contrôle cette banque devient un acteur incontournable de Chypre.
A noter, ainsi, que le cabinet d'avocat du président chypriote, Nicos Anastasiades, élu en début d'année, représentait des intérêts russes lors de l'assemblée générale des actionnaires de la banque, ce mardi.
Une banque sous tutelle de l'état chrypriote et de Bruxelles
En théorie, c'est le conseil d'administration qui dirige la Bank of Cyprus. Un conseil d'administration dont le nouveau vice-président, Vladimir Strzhalkovsky, un ancien du KGB, est un proche de Vladimir Poutine.
Mais dans les faits, Bruxelles a imposé que la banque centrale et le gouvernement prennent directement les affaires de la banque en main.
Une tutelle effective depuis mars et qui devrait s'estomper dans les mois à venir. Reste à savoir si l'Europe est prête à voir Moscou s'ingérer dans les affaires internes d'un des vingt-sept.
Se pose aussi la question de la viabilité de cette banque, soumise depuis six mois à un strict contrôle des capitaux et qui pourrait voir ses comptes se vider quand l'interdiction de transférer d'importantes sommes aura été levée. Mais, comme l'a répété le chef de l'Etat chypriote, si cette banque s'écroule, c'est tout le pays qui sombre.