De l'eau dans le gaz. Arnaud Montebourg, le ministre français du Redressement productif, a accusé ce dimanche 23 juin le président de la Commission européenne d'être le carburant du Front national. Cette sortie du ministre intervient après les législatives partielles de Villeneuve-sur-Lot qui ont permis de trouver un remplaçant à Jérôme Cahuzac. Le scrutin a éliminé au premier tour le candidat socialiste et a permis une nouvelle poussée du FN, puisque son candidat a recueilli 46% des voix au second tour.
Ce nouveau revers pour le gouvernement n'a pas été du goût d'Arnaud Montebourg. Le ministre impute cet échec à la montée de l'euroscepticisme en France, conséquence selon lui de la politique ultralibérale de la Commission européenne dirigée par José Manuel Barroso. Ce dernier a répliqué : « Quand il s'agit de réformes économiques et de mondialisation, certains souverainistes de gauche ont exactement le même discours que l'extrême droite ».
La tension couvait depuis longtemps
L'étincelle a été créée par José Manuel Barroso le 17 juin, lorsqu’il a déclaré que la France était « réactionnaire ». Réactionnaire parce que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait réitéré l'intention française d'exclure l'exception culturelle des négociations européennes avec les Etats-Unis. Bruxelles commence à discuter du traité de libre-échange avec Washington.
Cette critique contre la France a fait réagir tout le spectre politique du pays. La ministre écologiste Cécile Duflot a dénoncé une « Europe gendarme qui regarde les pays de haut ». Le maire UMP de Bordeaux, Alain Juppé, a critiqué « l'archaïsme » de Jose Manuel Barroso qui ferait preuve de « naïveté dans sa vision d'une mondialisation heureuse ».
Si la mondialisation et le libéralisme sont des valeurs portées par le président de la Commission européenne depuis son premier mandat en 2004, aujourd’hui ses détracteurs lui reprochent son soutien inconditionnel au libre-échange avec les Etats-Unis. José Manuel Barroso arrivera en 2014 à l'issue de son deuxième et dernier mandat. Et se posera alors la question de son futur qui pourrait se dérouler de l'autre côté de l'Atlantique.
L'homme n'a jamais caché sa sympathie pour les Etats-Unis. En 2002, alors Premier ministre portugais, il avait soutenu l'intervention américaine en Irak et avait même organisé, aux Açores, la conférence des pays interventionnistes.
Le dirigeant de la Commission européenne est donc un atlantiste convaincu à qui l'on reproche de vouloir donner des gages de sa bonne foi à Washington, puisque l'appui américain est indispensable pour décrocher un poste à la direction de l'Otan ou de l'ONU. Mais la France a aussi son mot à dire avec son siège permanent dans ces deux institutions internationales. Et la querelle actuelle n’aboutira certainement pas à un vote français en faveur de Barroso mais plutôt a un veto.
Gouvernement français socialiste, Commission européenne ultralibérale : des désaccords inévitables
Le récent manifeste du Parti socialiste français concernant l'Union européenne appelle ouvertement à la confrontation avec les conservateurs européens. Une ligne de conduite qu'Arnaud Montebourg semble avoir faite sienne au vu de ses propos.
A Bruxelles, il y a en tout cas un Français que cela contrarie. Le commissaire européen Michel Barnier considère qu'il est «inacceptable et irresponsable pour un ministre français de se défausser ainsi sur l'Europe et la Commission».
De son côté, François Hollande, s'il a réussi à se tenir à distance de cet échange d'amabilité, a pu montrer qu'il partageait l'exaspération de son camp politique. En mai, le président français s'était agacé des recommandations économiques de la Commission européenne adressées à la France.
Jeudi soir, Jose Manuel Barroso et François Hollande seront réunis pour un sommet avec les vingt-six autres dirigeants de l'Union européenne. Et il y aura certainement de l'électricité dans l'air à Bruxelles.