Italie : Silvio Berlusconi ne désarme pas

En Italie, les juges ont eu la main lourde : ce lundi 24 juin, le tribunal de Milan a condamné l'ex-président du Conseil Silvio Berlusconi à sept ans de prison ferme et à l'interdiction à vie d'exercer toute fonction publique dans l'affaire « Rubygate ». L’homme d’affaires de 76 ans a été reconnu coupable d'avoir eu des rapports sexuels avec la jeune Ruby, danseuse et prostituée, à l'époque où elle était encore mineure. Est-ce pour autant la fin de la saga du touche-à-tout Silvio Berlusconi ? Rien n’est moins sûr.

La fulgurante carrière de Silvio Berlusconi a certes pris un coup avec cette condamnation plus lourde que prévue. Mais le « Cavaliere » n'ira pas en prison tout de suite. Ses avocats vont faire appel, et tant que cette peine n'est pas validée par la Cour de cassation, elle ne sera pas exécutée. La procédure risque donc de traîner en longueur, comme toutes les autres poursuites entamées contre l'ancien président du Conseil italien.

Depuis son entrée sur la scène politique en 1994, Silvio Berlusconi a été condamné à six reprises, à un total de dix-huit ans et cinq mois de prison ferme - dont seulement trois sont couverts par une amnistie. Des procès pour corruption, pour fraude fiscale, pour financement illégal d'un parti, et tout dernièrement pour abus de pouvoir et prostitution de mineure. Mais jamais la justice n’a pu le condamner de façon définitive.

Berlusconi dénonce un « verdict violent »

Silvio Berlusconi est affaibli mais ne semble pas prêt à jeter l’éponge. Tout de suite après le jugement, il a publié un communiqué dénonçant un « verdict violent ». L'ancien président du Conseil dit vouloir « résister à la persécution ». Il s’estime « complètement innocent » et accuse la justice italienne de vouloir l'éliminer de la vie politique.

Une telle mise à l’écart serait en effet dangereuse pour celui qu’on surnomme le « Cavaliere ». Ses fonctions publiques et son poids politique ont été, jusqu'à présent, sa meilleure protection. Une interdiction d’exercer toute fonction publique risquerait de le priver de cette bouée de sauvetage et signerait la fin de son rêve de devenir le prochain chef d’Etat.

Feuilleton judiciaire à haut risque pour le gouvernement

Mais pour le gouvernement aussi, le feuilleton judiciaire n’est pas sans risques, puisque la coalition gauche-droite d'Enrico Letta ne tient qu'à un fil et le soutien du camp de Silvio Berlusconi lui est indispensable. Les observateurs ont d'ailleurs bien remarqué que l'homme en question n'a, cette fois-ci, pas renouvelé son « soutien loyal » à l'équipe gouvernementale - contrairement à la semaine dernière, lorsque la Cour constitutionnelle a rejeté un important recours dans son procès Mediaset pour fraude fiscale.

Toujours est-il que la droite n'a aucun intérêt immédiat à faire tomber le gouvernement. Premièrement, parce que la gauche pourrait aussitôt nouer une alliance avec les déçus du mouvement contestataire Cinq Etoiles de l'ex-comique Beppe Grillo. Deuxièmement, rien n'indique pour l'instant que la droite gagnerait en cas de nouvelles élections.

Enrico Letta pris en otage par la droite ?

Le président du Conseil Enrico Letta est en quelque sorte pris en otage par son partenaire, le parti Peuple de la liberté. Les partisans de Silvio Berlusconi ont déjà lancé des avertissements. L'une des égéries du camp Berlusconi a annoncé la couleur : « Si Letta continue comme ça », a-t-elle dit, « il va sauter sur des questions économiques ». Dans ce cas, il devrait aller à Bruxelles dire que l'Italie est incapable de tenir sa promesse de baisser le déficit budgétaire.

Mais même si la coalition tient encore, le cas Berlusconi est une véritable « bombe à retardement ». Le prochain chapitre s'ouvrira en automne, lorsque la Cour de cassation se prononcera dans le cas Mediaset. Si la condamnation est confirmée, Silvio Berlusconi sera banni de la vie politique pendant cinq ans. D'ici là, les troupes de Silvio Berlusconi peuvent toujours tenter de faire passer une amnistie générale au Parlement.

Partager :