La campagne pour les élections de ce dimanche a pris, une fois de plus, l’allure d’une lutte à mort entre les deux éternels rivaux, le Premier ministre sortant Sali Berisha, et son rival socialiste, Edi Rama. Les coups bas et les attaques ad hominem n’ont pas manqué, tandis qu’une intense bataille se mène pour le contrôle de la Commission électorale, dominée par les partisans de Sali Berisha, ce qui laisse déjà craindre des contestations des résultats qui seront annoncés.
Cette fois, pourtant, le jeu habituel pourrait être troublé par l’émergence d’une nouvelle force, l’Alliance rouge et noire (AKZ), un parti nationaliste qui revendique ouvertement l’unification nationale albanaise, c’est-à-dire la réunion de l’Albanie et du Kosovo, voire des régions majoritairement albanaises de Macédoine, de Serbie et du Monténégro.
Selon certains sondages, ce parti pourrait créer la surprise, mais les estimations varient beaucoup d’une enquête à l’autre. Par contre, il est certain que la nouvelle formation a réussi à mettre la « question nationale » au premier plan du débat politique, reléguant au second rang les débats sur l’intégration européenne.
Il est vrai que l’Albanie n’a toujours pas réussi à obtenir le statut de pays candidat et la perspective, toujours bien éloignée, de rejoindre une Union en crise n’est plus guère de nature à mobiliser l’électorat.
Edi Rama favori ?
Si l’on en croit les sondages, qui doivent cependant être pris avec des pincettes, le socialiste Edi Rama est favori du scrutin. Ce qui est important, c’est que le chef de l’opposition socialiste bénéficie, cette année, du soutien ouvert des milieux diplomatiques occidentaux, de plus en plus indisposés par le virage nationaliste de Sali Berisha, particulièrement sensible depuis les grandes célébrations du centenaire de la proclamation de l’indépendance albanaise, le 28 novembre dernier.
À priori, la figure de Sali Berisha mécontente des secteurs de plus en plus larges de l’opinion publique albanaise, mais il n’est pas certain pour autant que le Parti socialiste apparaisse comme une alternative crédible. Son dirigeant, Edi Rama, a largement repris à son compte le style agressif de Sali Berisha, et a fait le choix de passer des alliances tactiques avec des petites formations « débauchées » du camp Berisha, ce genre de manœuvre étant perçu comme le symbole d’une politique des combines détachée des préoccupations des citoyens.
L'abstention comme troisième voie
Tous les observateurs s’attendent à une poussée de l’abstention et des campagnes courent même, notamment sur les réseaux sociaux, pour inciter la population à déposer dans l’urne des bulletins nuls pour exprimer leur colère face à un jeu politique bloqué, et une situation sociale qui ne s’arrange pas. Des figures importantes du débat public albanais, comme Fatos Lubonja, écrivain et analyste politique, se sont engagées dans cette campagne pour le vote nul, appelant les électeurs à barrer leurs bulletins de vote de larges croix pour exprimer leur mécontentement.
Cette campagne a déjà son hymne de ralliement, la chanson « Mjaft më me ju » (« On en a marre de vous »), de la rapeuse Arteda, omniprésente sur les réseaux sociaux. Si dimanche soir, ni la droite ni la gauche ne peuvent revendiquer une victoire large et incontestée, ce « troisième camp », celui du vote nul et du rejet d’une classe politique perçue comme inefficace et corrompue, pourrait faire entendre sa voix.