Avec notre envoyée spéciale à Istanbul, Béatrice Leveillé
Tout est parti d’Istanbul avec des écologistes, des architectes et des urbanistes, qui protestaient contre la construction d’un centre commercial à l’allure d’une caserne ottomane à la place d’un petit parc qui donne sur la place Taksim. L’intervention brutale de la police n’a fait qu’étendre le mouvement.
Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées sur la place Taksim, puis dans toute la Turquie. La colère commençait à retomber, le mouvement se calmait après l’intervention du chef de l’Etat Abdullah Gül.
Mais l’accueil en fanfare du Premier ministre, tôt ce vendredi 7 juin, par des militants du Parti pour la justice et le développement (AKP) qui criaient « Le grand maître arrive, nous sommes prêts à mourir pour toi », ne fait que radicaliser la situation.
Lourd bilan d’une semaine de mobilisation
La place Taksim est toujours occupée. Pour le septième jour, les manifestants sont moins nombreux.
Ils disent se relayer pour maintenir une présence sur la place et surtout dans le parc où ils campent pour empêcher l’arrachage des arbres.
Le bilan des affrontements avec la police est lourd : trois morts et 2 000 blessés. Une nouvelle intervention policière ne pourrait que l’aggraver et cristalliser un peu plus le mécontentement sur Tayyip Erdogan.
Inquiétude place Taksim
Il est encore un peu tôt pour tirer des leçons des derniers propos du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan mais la plupart des manifestants de la place Taksim sont inquiets. Ils considèrent qu’il est en train de diviser le pays : non seulement il campe sur ses positions mais il déclare à nouveau en s’adressant aux 3 000 militants, qui étaient venus l’accueillir cette nuit à l’aéroport, « nous sommes les plus nombreux ».
La totalité de la presse pro-gouvernementale surprend aussi. Six journaux ont titré exactement de la même façon en le citant : « Je suis d’accord avec les demandes démocratiques », un titre pour le moins en décalage avec la fermeté du Premier ministre. En fait, il range les manifestants en plusieurs catégories parmi lesquelles il y a ceux qu’il appelle « les casseurs » et il affirme, « on aura aucune pitié pour eux ».
Cette démonstration de force de Recep Tayyip Erdogan à deux heures du matin intrigue tous les analystes politiques. Quand ses partisans ont lancé : « Laissez-nous aller casser Taksim », il n’a rien répondu. Et c’est ça le point le plus inquiétant.
Ce vendredi est un jour de prière dans les mosquées. Le directorat des Affaires religieuses, qui dépend directement du Premier ministre, distribue une proposition de discours aux imams à propos de l’actualité de la semaine. Et tout le monde s’interroge sur son contenu.