Lors de la cérémonie dans la basilique St-Pierre, où pour la première fois, il rencontrait l’ensemble de l’épiscopat italien, le pape n’a pas pratiqué la « langue de buis » comme on dit ici. Il a appelé les évêques à conserver une « vigilance » spirituelle contre la tiédeur et le carriérisme, soulignant que l’évêque n’est pas un fonctionnaire, mais le signe de la présence et de « l'action du Seigneur ressuscité ».
Pointant le danger de la flatterie de l'argent, et les compromis avec l'esprit du monde, il a appelé les prélats italiens à « mettre de côté toute forme d'arrogance» dans un discours aux accents de réquisitoire. « Nous devons veiller sur le troupeau de Dieu non en se prenant pour les patrons des personnes qui nous sont confiées, mais en étant pour elles des modèles » a-t-il martelé.
Un poids politique incontestable
Le pape a parlé comme évêque de Rome et primat d’Italie comme le veut son statut et a en quelque sorte sermonné « ses évêques ». Avec près de 300 prélats, l’Eglise italienne est l’une des plus puissantes, elle a son quotidien, l’Avvenire, et sa propre chaîne de télévision, TV 2000. Depuis 1984, l’Église d’Italie bénéficie par ailleurs des fruits du concordat avec l’État qui fait qu’elle reçoit chaque année huit pour mille des ressources fiscales du pays. Cela représentait plus d’un milliard d’euros en 2012.
Son poids politique dans la péninsule n’est plus à prouver même si son soutien récent à Mario Monti lors des dernières élections s’est soldé par un échec. Il faut noter enfin que l’épiscopat italien est le seul au monde dont le chef est nommé par le pape et non par ses pairs. L’Eglise italienne, qui peut sembler fonctionner parfois comme un monde à lui seul, au sein de l’Eglise universelle. On se souvient de cette bourde qui avait fait jaser juste après l’élection du pape François : la conférence italienne avait publié un communiqué félicitant…le cardinal Scola, archevêque de Milan !
Un pape au style nouveau
Derrière le discours aux prélats italiens, il faut bien voir que le pape s’adresse à tous les évêques du monde dont la fonction appelle exemplarité et responsabilité. Mais le pape jésuite parle d’un ton nouveau et parfois « peu protocolaire », il faut s’y habituer. Il s’exprime souvent en quittant ses notes ou tutoyant ses interlocuteurs, instaurant une proximité qui plaît.
Ses mots surtout sont comme des flèches, et les images dont il use sont simples et fortes. Il a pu ainsi critiquer les « chrétiens de salon », appeler les évêques siciliens à « avoir l'odeur de leurs brebis », dénoncer les « ragots et les calomnies qui rouillent l’Eglise » ou encore, il y a trois jours, parler de la traite des personnes comme d'une « activité ignoble ».
Le pape argentin est franc et direct, et même si certains évêques ont les oreilles qui sifflent aujourd’hui, le « peuple de Dieu », lui, semble être ravi.