Le rapport que vient de publier l’Organisation mondiale de la Santé a pour objectif de déterminer les risques pour la santé de l’accident nucléaire survenu le mars 2011 à Fukushima, au Japon. Les experts ont enquêté pour estimer les conséquences sanitaires sur l’ensemble de la population de la préfecture de Fukushima, du reste du Japon et du reste du monde.
Intitulé Évaluation des risques pour la santé de l'accident nucléaire survenu après le grand tremblement de terre et le tsunami qui ont touché l'est du Japon en 2011 (sur la base d'une estimation préliminaire des doses), l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) relève que pour les populations vivant hors du Japon, aucune augmentation des taux de cancer n’est prévue par rapport aux taux de référence.
Un risque augmenté de 70%
Mais l’OMS est nettement moins rassurante pour la santé des habitants de la zone située dans un périmètre d’une vingtaine de kilomètres autour de la centrale de Fukushima Daiichi. Pour les personnes vivant dans le secteur le plus contaminé, l’organisation relève un risque à 1,25% de cancer de la thyroïde chez les femmes et les enfants alors que ce risque se situe habituellement à 0,75%. Cela se résume en fait à un risque augmenté de 70% ! Après la catastrophe de Tchernobyl en Ukraine, en 1986, les cancers de la thyroïde chez les enfants avaient connu une augmentation notable.
Une situation moins grave peut-être mais qui reste très préoccupante concerne également la population établie dans la deuxième zone la plus contaminée. Là, les risques estimés sont deux fois moindres mais ils traduisent néanmoins une élévation inquiétante du risque de développer un cancer. Par ailleurs, l'OMS souligne aussi pour les bébés-filles nées au plus près de la centrale une augmentation de 6% du risque de cancer du sein. Chez les hommes exposés aux radiations lorsqu'ils étaient nourrissons le risque de leucémie se voit accru de 7%. Quand aux sauveteurs présents sur le site de l’accident en 2011, un tiers d’entre eux voit aussi son risque de leucémie, de cancer de la thyroïde ainsi que l’ensemble des cancers solides augmenter peut-on lire dans le document qui compte 166 pages.
« Cette évaluation des risques pour la santé se fonde sur l'état actuel des connaissances scientifiques », précise le rapport qui ajoute qu’en dehors des zones les plus proches du site de Fukushima Daiichi, « y compris parmi la population de la préfecture de Fukushima, aucune augmentation de cancer est attendue ». Cela dit l’OMS n’en insiste pas moins sur la nécessité d’un suivi attentif à long terme qui devra porter autant sur les populations à risque que sur les aliments et sur l’environnement.
Les populations les plus touchées ont reçu lors de l’accident des doses effectives de rayonnement s’échelonnant de 12 à 25 mSv d’après les estimations préliminaires faites par des experts internationaux précise l’OMS. Or, poursuit-elle, les doses de rayonnement émises par la centrale accidentée ne devraient pas augmenter « l’incidence des fausses couches, des enfants mort-nés ni affecter la santé physique et mentale des nourrissons nés après l’accident ».
Des conclusions contestées
Pour Greenpeace « le rapport de l’OMS sous-estime honteusement l’impact des premières radiations de la catastrophe de Fukushima sur les personnes présentes à l’intérieur de la zone d’évacuation d’un rayon de 20 kilomètres et qui n’ont pas été capables de partir rapidement ». L’association écologiste pense que « ce rapport est à considérer comme une déclaration politique pour protéger l’industrie nucléaire et non pas comme un travail scientifique axé sur la santé des personnes ».
A l'inverse la réaction des autorités japonaises fustige le rapport de l'OMS mais cette fois parce qu'elles jugent ses conclusions nettement exagérées. Elles s'appuient sur le fait que les experts sont toujours « divisés sur la manière de calculer l'impact d'une exposition à long terme à de faibles doses radioactives » et elles contestent les calculs qui ont servi de base aux experts de l'OMS pour leur projections. « Il est erroné de croire que les résidents (proches de la centrale) vont développer des cancers dans ces proportions » soutient ainsi un responsable du ministère de l'Environnement.
Près de deux ans après l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima, le gérant du site, la compagnie Tepco (Tokyo Electric power) n’a toujours pas remis aux autorités compétentes les données sur les doses de rayonnement auxquelles ont été exposés les 20 000 travailleurs du complexe ravagé. Tepco justifie cette abstention par la difficulté à récupérer des données contenues dans des ordinateurs endommagés par le tsunami qui a suivi le séisme à l’origine de la catastrophe. Tepco assure qu’elle se pliera à la règle dès le mois prochain. Autant d'éléments qui pourraient encore modifier les premiers résultats récoltés par l'OMS.