De notre correspondant dans les Balkans,
Un pays est-il vraiment indépendant s’il ne peut pas participer aux compétitions sportives internationales ? C’est la question que se posent Skendër et ses amis, tous fans de foot et supporteurs du Real Madrid. « Même si l’Espagne n’a toujours pas reconnu le Kosovo », ajoute le jeune homme avec un sourire de dépit.
En effet, un peu moins de 100 des 192 États membres ont reconnu, à ce jour, l’indépendance proclamée par le Kosovo le 17 février 2008. Cinq membres de l’Union européenne, dont l’Espagne, refusent toujours de le faire.
FMI et Banque mondiale
Sur le strict plan du droit international, le Kosovo se trouve dans la même situation que la République turque de Chypre du Nord ou l’Abkhazie, même si sa reconnaissance par tous les grands États occidentaux, à commencer par les États-Unis, change naturellement la donne. Ainsi, le petit pays a été admis en 2009 à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI), où le système des droits de vote donne un poids prépondérant aux pays qui ont reconnu son indépendance.
Par contre, il reste à la porte des Nations unies, mais aussi du Conseil de l’Europe ou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). En conséquence, le Kosovo n’a pas pu participer aux Jeux olympiques de Londres, et il n’est pas membre de la Fédération international de football : dans les manifestations hostiles à l’indépendance, les Serbes ne manquent pas, parfois, de brandir le drapeau de la Fifa, perçue comme une « alliée » de leur cause.
Pas de préfixe téléphonique international
Le pays n’a pas non plus été admis au sein de l’Union internationale des télécommunications (UIT) et, en conséquence, il n’a pas de préfixe téléphonique international. Pour joindre un numéro fixe au Kosovo depuis l’étranger, il faut toujours composer le préfixe de la Serbie. Pour la téléphonie mobile, des solutions ont été bricolées : un opérateur utilise le préfixe international de la Slovénie, un autre celui de Monaco !
Une solution est régulièrement avancée : raccorder le Kosovo au préfixe de l’Albanie. Mais voilà : l’Union européenne s’oppose à une telle option, craignant qu’elle ne soit perçue comme un prémisse à une future union entre les deux pays. Les envois postaux qui partent de l’étranger ont toujours des chances d’être déroutés vers la Serbie, l’Union postale ne reconnaissant pas davantage le Kosovo, ce qui oblige les entrepreneurs et les particuliers à passer par des messageries privées comme UPS.
Craintes de revendications sécessionnistes
La situation a peu de chances de se débloquer. Les actions du lobbying du Kosovo pour élargir ses reconnaissances internationales ont été menées dans le plus grand désordre : certains pays d’Afrique ou des Caraïbes ont annoncé la reconnaissance du Kosovo avant de revenir sur leur décision. En 2009, la question a même provoqué une sérieuse crise politiques aux Maldives, l’opposition accusant le Premier ministre d’avoir touché, en échange de la reconnaissance, des dessous de table de la part de Behxhet Pacolli, homme d’affaires kosovaro-suisse et éphémère président du Kosovo.
La plupart des pays qui refusent de reconnaître le Kosovo craignent un effet de « précédent » pour d’autres revendications sécessionnistes. De toute manière, l’admission du Kosovo aux Nations unies nécessite, en plus d’un vote de l’Assemblée générale, le blanc-seing du Conseil de sécurité, dont deux membres permanents, la Chine et la Russie, opposeraient leur veto. Le Kosovo se trouve ainsi pris dans un « jeu » international qui n’est pas sans dégager de lourds remugles de Guerre froide.
Ces dernières années, Skender et ses amis n’ont guère qu’un seul motif de consolation : en 2012, une chanteuse du Kosovo a pu concourir à l’Eurovision. Rona Nishliu, originaire de Mitrovica, représentait toutefois non pas le Kosovo, mais l’Albanie.