Présidentielle tchèque: il y a 20 ans, Prague et Bratislava divorçaient à l’amiable

Les Tchèques élisent, ce vendredi 11 janvier 2013 jusqu'à samedi, leur président de la République. Fait notable : c'est la première fois qu'ils le font au suffrage universel. Il faut rappeler que la République tchèque était encore, il y a vingt ans, partie intégrante de la Tchécoslovaquie.

La dissolution de la Tchécoslovaquie s'est fait en douceur. Au tournant des années 1990, après la chute du bloc soviétique, c'est d'abord la République fédérale tchèque et slovaque qui voit le jour. Elle est alors présidée par le dissident Vaclav Havel. Mais les Slovaques ne sont pas satisfaits, ils veulent leur indépendance. Ils l’obtiennent finalement trois ans après la chute du Mur de Berlin.

Le 17 juillet 1992, le Parlement slovaque adopte la déclaration d'indépendance de la nation slovaque. Six jours plus tard, les chefs de gouvernement tchèque et slovaque Vaclav Klaus et Vladimir Meciar s’accordent sur la séparation du pays. Et le président Vaclav Havel, opposé à la partition, démissionne le 20 juillet. La dissolution de la Tchécoslovaquie devient effective le 31 décembre 1992 à minuit.

A ce moment, les Tchèques ont l’impression de perdre une partie de leur territoire, mais ils goûtent avec trop de bonheur à la démocratie pour s’en formaliser. Quant aux Slovaques, pour la plupart d'entre eux, le rêve d’un Etat indépendant s’accomplit. Mais pour d’autres comme Jana Zitnanska, députée du parti nouvelle majorité, c’est une déception.

« Je faisais partie de ceux qui pensaient que les citoyens devaient décider sur un tel sujet et pas seulement deux hommes politiques, confie-t-elle. Mais il faut reconnaître que la Slovaquie et la République tchèque ont leur place aujourd’hui en Europe et dans le monde, et les relations entre les deux pays sont excellentes, même meilleures qu’avant. » 

Les raisons de la séparation

Les Slovaques, plus pauvres que les Tchèques, avaient l’impression d’être des citoyens de seconde zone. Et les deux parties du pays n’abordaient pas la transition post soviétique de la même manière. La dissolution s’est déroulée sans heurt, comme l’explique Lukas Macek, directeur du campus de Science po Paris à Dijon :

« Les aspirations des deux nations n’étaient pas tout à fait les mêmes et leur histoire est différente. D’un coté, les Tchèques, qui ont une histoire avec le Royaume de Bohême, qui a existé pendant des siècles, s’identifiaient sans problème avec leur nouvel Etat. De l’autre, la Slovaquie, qui n’a jamais connu d’existence étatique propre à part un épisode peu glorieux pendant la Deuxième Guerre mondiale, avait clairement cette aspiration à la création d’un Etat slovaque indépendant. »

Il s’agit donc d’un divorce réussi. Mais pas pour autant un exemple à suivre, considère Lukas Macek. « C’était quand même un échec, c’est un Etat qui a cessé d’exister ! Faut-il en faire un modèle ? Je ne le crois pas. » 

Qui a profité le plus de la dissolution ?  

La Slovaquie a connu un taux de croissance plus rapide que la République tchèque, mais elle partait de plus bas. Elle est finalement entrée dans la zone euro, ce qui n’est pas le cas de la République tchèque. Mais la séparation n’a pas bénéficié à un pays plus qu’à l’autre, selon Lukas Macek. « Si les relations entre les deux pays sont très bonnes, c’est que la séparation leur a permis d’avancer et de sortir des querelles de clochers », considère-t-il.

« C’est vrai que la Slovaquie a fait des reformes structurelles que la République tchèque a du mal à mener a bien, mais si on regarde le niveau de vie général et si on regarde le taux de chômage, c’est la République tchèque qui s’en sort plutôt mieux. Le tableau est assez contrasté et je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il y a un gagnant et un perdant dans cette séparation. » 

Vingt ans après leur divorce à l'amiable, 10 millions de Tchèques et 5 millions Slovaques entretiennent des relations tellement étroites et tellement bonnes qu’ils ont parfois l'impression de vivre dans le même pays.

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