Quelle était votre réaction en 2007 après l’élection de Marseille comme Capitale européenne de la culture en 2013 ?
C’était plutôt du plaisir. Comme d’autres villes, Marseille est plutôt connue pour être un peu chauvinne. A l’époque, il y avait une forte concurrence avec Bordeaux qui était une candidate sérieuse. Bernard Latarjet, à l’époque le président de Marseille-Provence 2013, avait le bon slogan : « Marseille est la ville qui en a le plus besoin ».
Quel est votre constat quelques jours avant l’ouverture : les artistes sur place ont-ils profités du label Capitale européenne de la culture ?
Le constat est mitigé. Cette année Capitale a déclenché beaucoup de passions. Je n’irai pas jusqu’à dire que cela a satisfait tout le monde. Il y a eu beaucoup d’associations locales qui s’y sont engagées, mais ce sont surtout des grosses structures qui sont déjà bien implantées sur le territoire et qui n’ont pas de soucis d’activités. La difficulté, c’est que le tiers secteur culturel, les petits opérateurs sont plutôt dans le bac à côté à regarder l’opération.
MP-2013, est-ce un projet culturel participatif ?
Non, pas spécifiquement. Quand on a inventé l’année Capitale européenne de la culture, c’était pour rapprocher les peuples d’Europe. Aujourd’hui, on l’a un peu oublié. Cela n’est pas spécifique à Marseille du fait que c’est devenu avant tout un atout d’attractivité territoriale par la culture. Comment on peut booster l’économie d’un territoire par l’action culturelle. Cela se ressent aussi dans la programmation qui est une programmation majoritairement événementielle. Les Quartiers créatifs, le programme qui est réservé aux actions participatives, n’est qu’une toute petite partie de l’année Capitale et cela sert un peu comme un faire-valoir, mais le participatif n’a pas franchement sa place.
« Entre les deux rives de la Méditerranée », ce thème reflète-t-il bien la situation et l’état d’esprit des artistes marseillais ?
Oui, c’était un des éléments qui ont fait que le territoire a été retenu pour l’année Capitale. A l’époque, en 2007/2008, on était sur l’Union de la Méditerranée [fondée en 2008, à l’initiative de l’ancien président Nicolas Sarkozy, ndlr], c’était avant les événements du Printemps arabe. La thématique méditerranéenne est d’actualité et aussi une réalité pour beaucoup d’artistes qui essaient de créer des passerelles. Après, il ne faut pas que cela devienne un thème exclusif, parce que l’ouverture doit se faire de tous les côtés.
Les artistes de votre réseau participent à la Capitale européenne de la culture ?
Oui, plus ou moins, mais vraiment à la marge. L’association a été associée à un Quartier créatif, mais vraiment sur des fonctions de soutien, des fonctions très locales. Il ne doit y avoir du droit de sol en disant : « puisque je suis là, je dois être intégré à l’année Capitale ». Cela serait un excès. En même temps, il faut reconnaître qu’il y a une vraie défiance envers les artistes locaux en disant : « Ailleurs, c’est toujours mieux ». Nous allons nous-mêmes animer un espace de programmation rattaché au Pavillon « M », qui va être l’espace central de tous les rendez-vous à côté de la mairie de Marseille. C’est un espace de programmation où tous les samedis, on pourra programmer, trois fois par jour, des artistes pendant un an, donc 50 dates et 50 artistes qui ne seront que des artistes qui ne feront pas parties de la programmation officielle de l’année Capitale.
Cela sera le « Off » de l’année Capitale ?
Le « Off » tient un peu la dragée sur le volet programmation alternative et démarre le 11 janvier avec le Banquet de Platon. Il y aussi d’autres choses. J’ai eu la chance d’animer le Out of 2013 qui était un espace de débat sur le « Off ». La ville de Marseille avait des moyens, un budget de dotation, qui a permis à la fois de monter le Pavillon « M » et tout son espace scénographique, mais aussi des projets comme La Grande Clameur qui sera la soirée d’ouverture le 12 janvier ou le projet Viens ! A Marseille du Cours Belsunce et notre espace de programmation Le petit M. Ce n’est pas vraiment un « Off », parce qu’on va être au cœur du système, mais cela reste quand même une programmation alternative à ce que propose l’année Capitale.
Quel est le point fort culturel de Marseille au niveau national ou international ?
Il y a un proverbe local qui dit : « Il y a deux choses qui sauvent Marseille : la mer et les associations ». Et notamment les associations culturelles. Ce qui n’a pas été suffisamment mis en avant dans cette année Capitale, c’est la densité, la diversité des acteurs locaux.
La différence voire la hostilité qui règnent entre la ville Marseille et la région Provence, elles se retrouvent entre les artistes respectifs ?
Les artistes locaux ne sont pas forcément en concurrence entre eux sur les différents territoires. On ne peut pas décalquer la cartographie des conflits métropolitains. Il y a effectivement une densité d’acteurs culturels qui crée la concurrence et la compétitivité, il ne faut pas le nier, par contre elle ne se fait pas sur les mêmes échelles. Si on doit dire un mot sur la métropolisation : il y avait une intention louable de faire de cette année Capitale une année de rapprochement politique des territoires par la culture. Il faut reconnaître que cette idée-là est un échec. Cela sera un rapprochement un peu forcé. On sent bien qu’il y a de fortes tensions sur les territoires pour que chacun garde ses spécificités sur tous ses pouvoirs.
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Le programme Marseille-Provence 2013.
Le week-end d'ouverture de la Capitale européenne de la culture aura lieu ce 12 et 13 janvier.
www.lestetesdelart.fr