Ils seraient entre 10 et 12 millions en Europe. Les Roms sont la première minorité de l’Union européenne. Difficile de faire une meilleure estimation car les recensements ne sont pas suffisamment précis.
Venus d’Inde en passant par le Proche et le Moyen-Orient, ils sont arrivés en Europe au XVe siècle. D’abord bien accueillis pour leur culture -ils étaient montreurs d’ours ou forgerons- les Roms sont vite devenus une main-d’œuvre facile à exploiter et pendant des siècles, ils ont subi esclavage et discriminations sur le sol européen.
En Roumanie comme en Bulgarie, ils sont victimes d'actes racistes de la part de la majorité des autres citoyens. Les quartiers roms sont des ghettos insalubres, souvent sans eau ni électricité. Les Roms sont aussi plus touchés par le chômage et moins instruits, sans compter les difficultés d’accès aux soins.
« Des Roms à tous les échelons de la société »
Mais en Bulgarie, « tous ne sont pas en situation de paupérisation et d’assistanat », nuance Samuel Delépine, maître de conférence en géographie et auteur d’un Atlas des Tsiganes. « Il y a des Roms à tous les échelons de la société. »
Il met en garde contre le cliché du Rom toujours exclu, mais aussi contre l’image d’une communauté unie et unique. « Il n’existe pas de peuple rom paneuropéen. Les Roms de l’est et de l’ouest de la Bulgarie sont différents les uns des autres et c’est encore plus vrai pour la Roumanie. »
20 000 migrants roms en France
En Bulgarie, ils sont presque tous sédentaires ; après 1989 et l’éclatement du bloc communiste, ils se retrouvent plus souvent que d’autres dans la précarité et sont les premiers à subir des difficultés économiques et la montée des nationalismes. Beaucoup sont contraints à l’émigration.
En France, il y a environ 20 000 Roms migrants. La plupart sont Roumains, car, d’une part, la langue roumaine est d’origine latine et proche du français, d’autre part, ils sont plus nombreux en Roumanie, 2,4 millions d’après les estimations hautes. Il est donc logique qu’il y ait plus d’immigrés roumains. Alexandre Le Clève, membre du collectif Romeurope, estime que « les Bulgares ne sont que 3 000 ou 4 000 en France ».
Droit de circuler mais pas de travailler
Depuis 2007, Bulgares et Roumains ont rejoint l’Union européenne. Si cela leur confère le droit à la libre circulation, il n’en est pas de même pour le droit de travail, car la Bulgarie et la Roumanie ne font pas partie de l’espace Schengen. Les trois mois de séjour légal révolu, c’est la législation des Etats membres qui prend le relais.
La France n'est d'ailleurs pas une destination phare pour les migrants de ces pays, à cause de ses politiques restrictives. Pour travailler, « Roumains et Bulgares doivent notamment justifier de ressources suffisantes et ne peuvent avoir accès qu’à une liste restreinte de métiers, même si elle a été récemment allongée », explique Samuel Delépine. Sans compter les procédures administratives lourdes. Les migrants économiques « se retrouvent rapidement en situation irrégulière ». Dans les camps roms, la précarité peut devenir synonyme de délinquance.
Pressions européennes
En France, l’image des Roms en souffre. En 2010, après des incidents, ils sont stigmatisés dans le discours de Grenoble du président Nicolas Sarkozy. Une circulaire prévoit « le démantèlement systématique des camps, en priorité ceux des Roms ». Cette année-là, près de 9 000 Roms sont expulsés.
La réaction de l'Europe ne s'est pas fait attendre et sous la pression, la France retire le texte. Thomas Hammarberg, ex-commissaire aux droits de l'homme au Conseil de l'Europe estime que « c’est réellement à ce moment là que l’Union européenne a pris conscience de la discrimination dont souffrent les Roms. Ils veulent simplement être considérés comme les autres membres de l’UE ».
Politique inefficace
Les expulsions continuent en France, mais il n’existe pas de chiffres officiels. Les associations avancent plusieurs milliers de retours volontaires. Elles se basent sur des chiffres piochés dans les médias et sur leurs propres constatations. Pour lutter contre l’exclusion, l'Union européenne propose une politique « d'inclusion ».
Si Alexandre Le Clève est d'accord sur le fond, il remet en cause la méthode. « Nous ne souhaitons pas que les Roms soient considérés comme une ethnie. Dans les camps, il y a aussi des citoyens roumains ou bulgares qui ne sont pas roms », argue-t-il. « Nous préférons une approche sociale basée sur les besoins des familles ». Mais la politique européenne « peut être intéressante pour débloquer des fonds et mener des projets concrets sur les territoires », en France et dans les pays d’origine.
En matière d’emploi, d’enseignement et d’accès aux soins pour l'instant, « les politiques mises en place par l'Europe ont donné très peu de résultats, concède Thomas Hammarberg, même si, sur certains points, il y a eu des avancées. » Beaucoup de temps sera encore nécessaire avant de voir les mentalités évoluer. C'est sur ce changement des consciences communautaires que la politique européenne devra mettre l'accent.