Kassel au cœur de l’Allemagne ne fait pas vraiment partie des métropoles trépidantes et avant-gardistes. Mais tous les cinq ans, cette ville de la Hesse devient La Mecque des amoureux de l’art contemporain qui s’y livrent à un pèlerinage obligé. Une manifestation de masse comme le montre le nombre de visiteurs mais qui grâce à l’empreinte laissée par ses responsables marque souvent son temps.
Carolyn Christov-Bakargiev
Pour cette treizième édition, c’est l’Américaine d’origine italienne et bulgare Carolyn Christov-Bakargiev qui assure la direction artistique de la dOCUMENTA (13) - ainsi faut-il écrire cette année le nom du festival. Diverses déclarations de l’intéressée durant les préparatifs de la dOCUMENTA (13) et lors de son inauguration le week-end dernier n’ont pas forcément contribué à éclairer la lanterne du visiteur lambda. « La frontière entre ce qui est l’art et ce qui ne l’est pas devient de moins en moins importante » a ainsi affirmé Christov-Bakargiev. Un énorme espace vide traversé par des courants d’air provoqués par des souffleries accueille ainsi le visiteur dans le bâtiment principal de la documenta, le Fridericianum. L’artiste britannique Ryan Gander voulait par là mettre en scène un art certes invisible et difficilement appréhendable mais dont la puissance illustrée par l’air déplacé reste pourtant palpable.
« Doing-nothing-garden »
La dOCUMENTA (13) avec ses différents lieux d’exposition –certains sont en permanence consacrées à l’art, d’autres utilisés pour l’occasion- demande une bonne condition physique aux visiteurs. Il est d’ailleurs recommandé d’avoir de bonnes chaussures, non seulement en raison des distances à parcourir mais aussi pour mieux surmonter certains obstacles. Car la dOCUMENTA (13), baptisée le « musée des cent jours », se déroule non seulement dans divers bâtiments mais aussi à l’extérieur où des installations hors du commun et à la taille impressionnante sont à voir. Le jardin du Chinois Song Dong Doing-nothing-garden est par exemple une colline constituée de déchets recouverte aujourd’hui d’herbe et de fleur. Derrière la gare de Kassel, Lara Favaretto a installé quarante tonnes de métal usagé, symbole d’un monde passé mais dont la mise en forme témoigne en même temps d’une nouvelle vie et montre que les choses peuvent s’émanciper. Dans une baraque blanche au milieu du parc, le Mexicain Pedro Reyes a créé un sanatorium où les visiteurs peuvent se faire traiter par exemple grâce à un vaccin contre la violence.
Délivrer un message
Si la responsable de cette treizième documenta se refuse à mettre en avant des vérités absolues, les attentes sont néanmoins importantes. Beaucoup attendent de chaque nouvelle édition un message central qui peut marquer un tournant et influencer le monde artistique des prochaines années. En 1997, la Française Catherine David avait mis en avant l’avant-garde des années 1960 et 1970 pour mieux jauger la valeur de la production artistique contemporaine. En 2002, les crises et les catastrophes dans le monde avaient joué un rôle central et l’art non occidental avait été pour la première fois présenté à la documenta par son directeur artistique le Nigérian Okwui Enwezor. Il y a cinq ans, l’art contemporain était exposé à côté d’œuvres anciennes.
Il reste donc trois mois à la treizième documenta pour marquer ou non les esprits et délivrer un message comme les éditions précédentes l’avaient fait.
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