De notre correspondant à Kiev
Le soleil brille dans le ciel de Kiev, le mercure approche les 30 degrés, un avant-goût de la chaleur continentale qui brûle la plaine ukrainienne durant les mois d'été. Des ouvriers achèvent de poser le dallage de l'esplanade du tout nouveau stade Olympique, et on s'active pour repeindre en blanc les bacs à fleur et les passages piétons de la capitale. Au niveau diplomatique pourtant, les nuages s'amoncellent au-dessus de la tête du président Viktor Ianoukovitch, accusé par l'Union européenne de mener des « procès politiques » contre l'opposition, et en particulier contre sa vieille rivale Ioulia Timochenko. L'égérie de la « révolution orange » purge une peine de sept années de prison pour « abus de pouvoir », et elle doit répondre de nouvelles accusations de fraudes fiscales.
Berlin hausse le ton
L'opposante s'était plainte de violentes douleurs au dos, et elle affirmait avoir subi des violences lors d'un transfert forcé à l'hôpital. Emprisonnée dans la ville de Kharkiv, l'ancien Premier ministre Ioulia Timochenko avait d'ailleurs cessé de s'alimenter depuis le 20 avril dernier.
« Nous sommes très inquiets pour sa santé », ne cesse de répéter sa fille Evguenia, qui a rencontré le 7 mai Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, le ministre allemand de la Justice, pour évoquer le cas de sa mère. Berlin, qui a proposé de soigner l'ancien Premier ministre sur son territoire, a décidé de hausser le ton.
La chancelière Angela Merkel pourrait ne pas se rendre en Ukraine pour l'Euro 2012 si Ioulia Timochenko n'est pas libérée. Une position reprise par les diplomates autrichiens et belges, ainsi que par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. A Kiev, on tente de garder la tête haute, le ministère ukrainien des Affaires étrangères juge « destructrices les tentatives de politiser les événements sportifs » et le Premier ministre Mykola Azarov a violemment dénoncé lundi 7 mai ceux qui veulent « humilier » son pays. Ioulia Timochenko, qui n'a pas l'intention d'arrêter sa grève de la faim, a refusé d'être soignée dans un hôpital de Kharkiv, malgré l'arrivée de médecins indépendants venus d'Allemagne.
Climat délétère
Ces menaces de boycott arrivent au pire moment pour l'Ukraine, à quelques semaines du début d'une compétition dont la préparation s'est déjà avérée chaotique, tant Kiev accumule les faux pas. Les stades qui accueilleront le million de touristes attendus par les autorités, les aéroports et la majorité des routes devraient être terminés à temps mais les devis initiaux ont explosé, laissant planer de forts soupçons de corruption sur les autorités. Les coûts de construction du stade de Lviv ont par exemple doublé, passant de 100 à 200 millions. Le président de l'UEFA, Michel Platini, s'est aussi emporté le 12 avril dernier contre les « bandits et les escrocs » qui gonflent les prix des hôtels durant la durée de la compétition, jusqu'à 10 fois les tarifs habituels.
La compétition ne semble par ailleurs pas soulever l'enthousiasme de la population ukrainienne et l'inquiétude est palpable parmi les commerçants, il reste encore 50 000 tickets à écouler pour les matchs qui se dérouleront à Donetsk et les hôtels ne sont pas pleins. C'est dans ce climat délétère, qu'une vague d'attentats a frappé vendredi 30 avril la ville industrielle de Dnipropetrovsk, dans l'est du pays, faisant une trentaine de blessés. Ces attaques n'ont pas été revendiquées et le ministère de l'Intérieur évoque un acte orchestré par des criminels de droit commun. Mais à six mois des élections législatives d'octobre, les rumeurs les plus folles circulent dans le pays, l'opposition et le gouvernement s'accusant mutuellement de tentatives de déstabilisation. Pas de quoi rassurer les touristes qui se déplaceront en Ukraine en juin prochain.