Mitrovica. Une banderole suspendue au-dessus de la route, à l’entrée de la petite bourgade de Zvecan, annonce déjà les résultats : «référendum, 99% ». Zvecan est l’une des quatre communes serbes du nord du Kosovo où les électeurs sont convoqués, mardi et mercredi, pour répondre par oui ou non à la question suivante : « Acceptez-vous les institutions de la soi-disant République du Kosovo, installée à Pristina ? » On se doute que bien peu des 35 000 électeurs concernés par ce scrutin voteront « oui ».
« Bien sûr que la réponse est déjà connue », reconnaît Nikola Lazic, un fonctionnaire du tribunal de Mitrovica. « Ici, personne ne veut entendre parler des institutions de Pristina, mais le véritable enjeu du référendum est de rappeler que la population serbe du nord du Kosovo a son mot à dire ». En effet, un dialogue « technique » et poussif se poursuit depuis un an entre Belgrade et Pristina, sous l’égide de l’Union européenne, mais sans représentant direct des Serbes du Kosovo.
Alors que les institutions de Pristina et les missions internationales présentes au Kosovo se contentent de rappeler que ce référendum n’aura aucune valeur légale, affectant de le traiter par l’indifférence, la gêne est bien plus sensible du côté de Belgrade. « Ce référendum est inutile et inopportun », martèle Oliver Ivanovic, vice-ministre serbe du Kosovo et Metohija, depuis les bureaux du ministère, installés au bord de l’Ibar, la rivière qui marque la séparation entre les quartiers serbes et albanais de Mitrovica. « Les Serbes du nord du Kosovo sont déjà en conflit avec Pristina et avec la communauté internationale. Est-il vraiment de leur intérêt d’ouvrir un troisième front, en s’opposant à la Serbie ? »
Montrer la détermination de la communauté serbe du nord
Le référendum pourrait en effet affecter le processus de négociations et plomber, par ricochets, les chances de la Serbie d’obtenir le statut de pays candidat à l’intégration européenne. Il risque surtout de montrer que Belgrade n’a plus d’influence directe sur les Serbes du Kosovo.
« Le gouvernement prétend que ce référendum est organisé par les partis de l’opposition nationaliste, pour lesquels je n’ai aucune sympathie », poursuit Nikola Lazic. « Mais c’est un aspect secondaire. L’essentiel est de montrer la détermination de la communauté serbe du nord ». L’homme baisse la voix quand deux robustes gaillards entrent dans le petit café où il distille ses commentaires. Dans le microcosme de Mitrovica-nord, chacun se connaît, s’espionne et se surveille : les services d’ordre contrôlant les barricades qui coupent toujours la zone du reste du Kosovo constituent une efficace police parallèle. Ils sont effectivement liés aux partis nationalistes qui contrôlent les mairies serbes du nord du Kosovo.
« Le gouvernement de Pristina et le Haut Représentant européen Pieter Feith ne cessent de répéter que le nord serait contrôlé par des bandes mafieuses et criminelles », poursuit Nikola. « Ils vont bien voir que la situation ne se résume pas à cela, et que les citoyens qui vivent ici ne veulent pas entendre parler des institutions albanaises. Je voudrais que le référendum puisse les ramener au principe de réalité : si l’on veut un compromis sur le nord du Kosovo, ce n’est plus avec Belgrade qu’il faut discuter, mais avec les gens qui ont une légitimité démocratique, même si ce ne sont pas des interlocuteurs faciles ».
La participation, seule inconnue du scrutin
Alors que la neige ne cesse de tomber sur le Kosovo, les communes serbes espèrent une forte participation et assurent avoir ont tout prévu, y compris d’aller chercher les électeurs dans les villages de montagne, devenus presque inaccessibles. Les résultats seront connus dès mercredi soir et, en l’absence d’observateurs indépendants, chacun pourra toujours contester les chiffres qui seront annoncés.
En vérité, la participation représente la seule inconnue du scrutin, dont l’organisation est entièrement prise en charge par les administrations communales serbes. Celles-ci se vantent d’ailleurs d’organiser une consultation particulièrement peu coûteuse. « En tout, nous avons dépensé 500 euros pour imprimer des affiches et 35 000 bulletins de vote », assure Krstimir Pantic, le maire de Mitrovica. 1 400 bulletins ont même été imprimés en albanais, car le nord du Kosovo n’est pas mono-ethnique. La commune de Leposavic compte plusieurs villages albanais et bosniaques, tandis que des Albanais vivent aussi dans plusieurs quartiers de Mitrovica-nord.
Aferdita est l’une de ces Albanaises qui vivent dans le nord de Mitrovica. Pour rien au monde, elle ne voudrait quitter sa rue et son quartier, mais tous les matins, elle passe à côté des barricades dressées près des ponts, pour aller travailler « de l’autre côté », dans le sud de la ville. Elle n’a pas peur des « gardiens du pont », dont beaucoup sont d’anciens camarades d’école, mais elle n’a aucune intention d’aller voter : « une question pareille ne sert qu’à fermer les portes à tout dialogue et tout compromis. »