RFI : Dans vos collages, les trois couleurs qui priment sont le rouge, le noir et le blanc. Pourquoi ?
Olya Kroytor : J’ai commencé à faire les collages il y a un an et demi. Au départ, ce n’étaient pas les mêmes couleurs, il y avait aussi le bleu, l’orange et le vert. Mais quand j’ai pris l’habitude de travailler avec les vieux journaux, j’ai compris que les couleurs les plus appropriées sont le rouge, le noir et le blanc.
RFI : Pourquoi ?
O.K. : Ils ont plus de sens. Chaque couleur a sa propre émotion, son propre sens. Chaque personne les interprète différemment, mais j’ai compris pour moi-même quelle couleur signifie quoi. Le blanc, c’est la pureté, le début, le sens historique. Le rouge, à la base, est la couleur du parti soviétique, après c’est la couleur de tous les sentiments humains et du sang. Le noir est la couleur de la tragédie et pour moi, c’est la couleur qui signifie quelque chose de vide.
RFI : Vous travaillez en 2012 avec des coupures de presse des années 1970 et 1980. Est-ce comme un photographe qui travaille aujourd’hui avec l’argentique ?
O.K. : J’ai grandi avec les couleurs de l’époque soviétique et avec les journaux de l’époque soviétique. Je viens d’une famille de militaires, j’ai été élevé par mes grands-parents, ils m’ont montré beaucoup de films de l’époque soviétique qui m’ont appris à respecter cette époque avec sa culture. Avec le recul, je vois bien évidemment aussi les mauvais côtés de cette époque, mais l’admiration je la garde. Et pour commencer quelque chose de nouveau, ou interpeller quelqu’un sur quelque chose de nouveau, on doit d’abord réfléchir aux choses qui étaient avant. Il faut comprendre ce que c’était.
RFI : Vous êtes née en 1986 à Moscou. Le Festival Russenko présente aussi une exposition de jeunes artistes de la « génération P », nommée d’après le roman culte du Russe Viktor Pelevine qui dépeint les années 1990 en Russie. Concernant la Russie, l’initiale « P » évoque souvent la perestroïka ou le nom de Vladimir Poutine. Sentez-vous une appartenance à une génération ou une génération d’artistes ?
O.K. : Je fais partie de plusieurs générations, parce que j’ai été élevé par des générations différentes et dans des milieux différents. Je fais plus partie de la « génération P », mais je ne peux pas oublier le reste. On vit dans la société et les gens qui nous entourent, c’est ce qu’on est.
RFI : Dans ce que vous faites, vous n’avez pas le sentiment qu’il y a un trait commun à cette même génération d’artistes qui vous entourent.
O.K. : Mon art n’est pas que des collages. Je trouve toujours des gens avec qui je me sens proche au niveau artistique. Mais chaque personne est différente. Avec certains je partage la même vision idéologique. Avec d’autres, ce sont les formes plastiques qui se ressemblent.
RFI : Quelles sont vos influences ?
O.K. : C’est comme répondre à la question qui est mon peintre préféré. Pour moi, toute est source d’inspiration. Souvent, je ne m’en rends pas compte. Je regarde, j’admire des œuvres et je trouve les idées magnifiques, mais je ne copie pas. Je stocke mes sentiments qui ressortent après dans mes œuvres.
RFI : Vous ne vous inscrivez pas dans une tradition artistique ?
O.K. : Ce n’est pas mon objectif d’être dans une tradition d’art. Surtout, aujourd’hui, dans l’art moderne, il n’y a pas de courant artistique bien déterminé, même si la presse me ramène toujours à un mouvement artistique.
RFI : Pouvez-vous vivre de votre art à Moscou ?
O.K. : Je n’ai pas besoin de beaucoup de choses. J’ai aussi un métier à part, je suis enseignante à l’université. Mon art et ce travail me permettent de vivre.
RFI : En 2011, vous avez présenté dans une galerie à Moscou une exposition nommé Split personality. De quelle double personnalité parlez-vous ?
O.K. : Cette exposition est mon enfance. Le titre de l’exposition signifie « Double personnalité » : Mon éducation par mes grands-parents, le cinéma soviétique… tout cela fait une partie de ma personnalité. Ce que je vis au présent, c’est une autre facette. Je ne suis plus là, mais pas encore ici.
RFI : Qu’est-ce que cela représente pour vous de participer au festival Russenko au Kremlin-Bicêtre ?
O.K. : C’est très important pour moi de participer aux expositions internationales. J’aime beaucoup regarder des publics différents, à chaque fois, les réactions ne sont pas les mêmes.
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Traduction réalisée par Eugénie Shutilova.
Russenko, 3e Festival des cultures russe et russophones, du 27 au 29 janvier au Kremlin-Bicêtre, France.
Lien utile :
- L’art contemporain russe crée un contrepoint au Louvre, rfi, 16/10/2010.