Tensions sociales à l'horizon du nouveau plan d'austérité portugais

Quelques jours seulement après l’adoption par le Parlement, en première lecture, de nouvelles mesures d’austérité budgétaire, la publication des chiffres de la croissance au troisième trimestre 2011 (moins 0,4%) confirme les difficultés croissantes de l’économie portugaise. Pourtant, le gouvernement de centre-droit dirigé par Pedro Passos Coelho maintient le cap de la rigueur, au risque de plonger le pays un peu plus dans la récession, et d’attiser les tensions sociales.

Hausse de la TVA, suppression des treizième et quatorzième mois pour les fonctionnaires et une partie des retraités, augmentation de la durée du travail dans le secteur privé : c’est une nouvelle cure d’austérité, particulièrement drastique, que le Portugal va s’imposer pour 2012. Adopté en première lecture le 11 novembre 2011 par le Parlement, ce projet de budget prend en compte une nouvelle aggravation de la récession prévue en 2012 : le gouvernement table désormais sur un recul de 2,8% du PIB. Ce chiffre, calamiteux, témoigne de l’incapacité du pays à sortir de la crise mais il signifie également un manque à gagner désastreux pour les finances publiques.

Désireux de rassurer les marchés et d’éviter un scénario à la grecque, contraint également par les bailleurs de fonds internationaux (Union européenne, Fonds monétaire international) qui ont apporté au Portugal une aide financière de 78 milliards d’euros, le Premier ministre Pedro Passos Coelho estime n’avoir d’autre alternative qu’une politique de rigueur exemplaire, afin de juguler les déficits. Son objectif : passer sous la barre des 6% en 2011, et sous les 5% en 2012. « C’est toujours l’éternel dilemme entre d’un côté les mesures d’austérité, et de l’autre le risque de casser la croissance, estime Céline Antonin, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, surtout si ces mesures d’austérité portent sur la consommation ou encore sur l’investissement des entreprises… »

A ce dilemme s’ajoute une nouvelle difficulté : la crise de la zone euro, principal partenaire commercial du pays. « Le problème du Portugal, explique Céline Antonin, c’est que l’ensemble de l’Europe s’engage aujourd’hui dans une politique d’austérité généralisée, il ne pourra donc pas compter sur ses voisins pour compenser l’effondrement de sa demande interne et trouver à l’extérieur des relais de croissance. »

Un chômage à un niveau record

L’année 2012 s’annonce donc sous des auspices bien sombres pour l’économie portugaise. Et derrière les chiffres de la croissance et les objectifs de réduction des déficits, ce sont de nouveaux sacrifices qui se profilent, au quotidien, pour les Portugais. Or, ces derniers sont de plus en plus nombreux à subir l’impact de la crise, et les cures d’austérité à répétition que s’est infligées le pays depuis 2008. « Il y a une montée de la visibilité de la crise, ces derniers mois, qui est assez spectaculaire, raconte la journaliste portugaise Myriam Zaluar. On voit que les gens commencent à se serrer la ceinture, qu’il y a plus de mendicité, plus de gens qui ont faim ou qui dorment dehors. »

Confrontés à la montée de la pauvreté, de la précarité et du chômage (il devrait atteindre le niveau record de 13,4% en 2012), les Portugais s’interrogent de plus en plus sur le bien-fondé des politiques de rigueur prônées par le gouvernement. « On nous dit que c’est inévitable et qu’il faut toujours plus d’austérité, explique Magda Alves, une franco-portugaise qui travaille dans le milieu associatif. Mais il n’y a pas besoin d’être allé à l’université pour savoir que ca ne va faire qu’accroître la pauvreté, et l’exclusion sociale. C’est exactement ce qui a été fait en Grèce, et nous voyons dans quel état se trouve la Grèce ! Je n’aimerais vraiment pas que le Portugal en arrive là. »

« Désespoir social »

La crainte de voir le pays entraîné dans un cercle vicieux – austérité- récession-déficits- austérité - est partagée par un nombre croissant de Portugais. « La contestation de la politique de rigueur gagne du terrain parce qu’il y une situation de désespoir social », estime João Teixeira Lopes, de l’Université de Porto. Pour ce sociologue proche de la gauche portugaise, le succès inattendu de la manifestation de fonctionnaires organisée le 12 novembre dernier, au lendemain du vote en première lecture du budget 2012, signifie que le consensus national autour de la rigueur est en train, lentement mais sûrement, de s’effriter. Mais pour les syndicats portugais, et pour les opposants à l’austérité, le véritable test aura lieu le 24 novembre prochain. Ce jour-là sera organisée la première journée de grève générale depuis un an, à quelques jours de l’adoption, définitive cette fois, des nouvelles mesures d’austérité.

Partager :