Emeutes de Londres: doutes et rumeurs alimentent la violence

La mort de Mark Duggan jeudi 4 août dans un quartier défavorisé de Londres a plongé une partie de la capitale britannique dans le chaos. Les scènes de pillages, les magasins et les immeubles en flammes se sont multipliés ce week-end. Plus de 40 policiers ont été blessés et environ 150 personnes ont été arrêtées lors des deux nuits d’affrontements. Face à une intervention policière massive, les rues de Tottenham se sont calmées, mais d’autres quartiers se sont embrasés à leur tour. Alimentée par de nombreuses rumeurs, la rage des émeutiers s’accroit chaque jour un peu plus.

Après la nuit de samedi qui a surpris par l’intensité des affrontements, la nuit du dimanche 7 août a été plus explosive encore. Les émeutes se sont étendues à de nouveaux quartiers et la tension s’est accrue. Brixton et Enfield situés à plusieurs kilomètres du quartier de Tottenham on été les nouveaux épicentres des violences. De petites bandes ont même été vues jusque dans le centre de Londres, notamment dans le quartier de Southwark, juste en-dessous de la city.

De gigantesques incendies se sont déclarés à divers endroits, détruisant commerces et habitations. Aux magasins pillés, aux incendies qui poussent les habitants à fuir leur quartier, s’ajoutent les affrontements entre bandes rivales qui profitent du chaos pour régler leurs comptes. Deux adolescents ont ainsi été poignardés dimanche soir. Les émeutiers se déplacent par petits groupes très mobiles rendant plus difficile les manœuvres policières qui doivent gérer plusieurs fronts. Les policiers qui ont multipliés les arrestations - une centaine pour la seule nuit de dimanche - se disent choqués par l’intensité des violences et déplorent de nombreux blessés dans leurs rangs.

Et la rumeur s’étend…

A l’origine de cette irruption de violence extrême, la mort de Mark Duggan jeudi soir, tué par la police dans des circonstances controversées. D’origine caribéenne, marié, père de trois enfants, l’homme de 29 ans aurait déjà purgé une courte peine de prison il y a neuf ans. « Il a fait quelques conneries mais ce n’était pas quelqu’un d’agressif », affirme l’un de ses proches à la BBC. Les circonstances de la mort de M. Duggan sont particulièrement obscures, et de l’état de légitime défense à la bavure, il n’y a qu’un pas que la rumeur peut faire franchir allègrement.

Mark Duggan aurait été tué après des échanges de coup de feu avec les forces de l’ordre a conclu le rapport des policiers présents. Pourtant, des éléments viennent rapidement contredire cette thèse, à tel point qu’une enquête de l’IPCC (Independant Police Complaint Comission) a été ouverte. Selon les premières analyses balistiques, la balle qui s’est logée dans la voiture des policiers chargés de l’arrestation de la victime proviendrait en fait d’une arme de la police. Quant à l’arme dont M. Duggan est censé s’être servi, elle a été retrouvée dans sa chaussette, sans avoir apparemment été utilisée.

De ces soupçons que l’enquête lèvera ou confirmera sont nés de multiples rumeurs qui ont attisé le sentiment d’injustice des jeunes de ce quartier populaire. Certains affirment qu’il a été exécuté menotté, d’autres qu’il aurait envoyé un message à sa femme quinze minutes avant sa mort disant qu’il était « fait comme un rat, mais sain et sauf »… Diffusées sur les sites communautaires, les rumeurs se propagent, s’amplifient, nourrissant la rancœur d’une population déshéritée.

Une police sourde et muette qui frappe en aveugle

Si personne ne cherche d’excuses aux émeutiers, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour pointer la responsabilité de la police dans le déclenchement des émeutes. Dès l’annonce de la mort de Mark Duggan, les responsables communautaires ont signifié à la police les risques liés à ce genre de situation dans un quartier populaire. Les organisateurs de la marche pacifique qui a dégénéré en émeute avaient fortement insisté pour être reçus avant la tombée de la nuit pour éviter tout dérapage.

Mais rien n’y a fait, la police est restée sourde à ces avertissements répétés. Aucun communiqué n’a été publié, laissant le champ libre aux rumeurs les plus folles, exacerbant les passions et les instincts violents. Pour certains leaders communautaires, c’est une faute impardonnable, dans un tel quartier, 48 heures après la mort suspecte d’un homme par la police, de refuser le dialogue.

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