L’euro peut-il imploser?

De la crise grecque au sauvetage irlandais, la monnaie unique européenne, soumise depuis plusieurs mois aux attaques des spéculateurs, traverses des turbulences sans précédent. Les réponses envisagées pour mettre fin à cette crise divisent les membres de la zone euro.

Douze ans après son lancement, le 1er janvier 1999, l’euro, la monnaie unique de seize pays européens, est dans une situation exceptionnellement grave. Après la Grèce et l’Irlande, c’est au tour de l’Espagne et du Portugal de vaciller. L’Italie et la Belgique craignent par ailleurs d’être les prochaines victimes des attaques des marchés financiers. Car les incertitudes qui entourent la dette publique de ces pays alimentent la spéculation.

Les marchés financiers continuent en effet de manifester une défiance à l’égard de la solvabilité de ces Etats, de la viabilité de leurs plans de relance et de la solidité de l’Union économique et monétaire (UEM) elle-même. A tel point que la Grèce et l’Irlande, pourtant toutes deux aidées par les Européens et le Fonds monétaire international (FMI), demeurent moins bien notées financièrement que le Liban, la Colombie et le Pakistan. Et des pays comme L’Espagne et la Belgique inspirent moins confiance aux investisseurs que le Liban et le Panama.

« Pas de crise de l’euro, en tant que monnaie »

Pas question pour autant de blâmer la monnaie unique. Pour Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne (BCE), la crise de confiance ne porte pas sur l’euro mais sur la solidité des finances publiques de certains pays : « l’euro est une monnaie crédible et la crise actuelle n’est pas une crise de la monnaie unique. Il ne s’agit pas d’un problème de la monnaie euro, mais un problème de politiques budgétaires qui n’ont pas été correctes, en dépit des règles qui auraient dû être suivies. C’est cela qu’il faut corriger ». Parmi les mauvais élèves de la classe européenne, on retrouve en tête l’Irlande avec une hausse prévue de la dette de 89% sur la période 2007-2012. La Grèce suit avec une augmentation de 51% de sa dette sur ces mêmes cinq ans. Viennent ensuite l’Espagne avec plus de 37% et le Portugal plus de 30%.

Dans cette tourmente financière, bon nombre d’économistes remettent en cause la survie même de l’euro. A commencer par le prix Nobel de l’Economie, Joseph Stiglitz qui prédit la fin possible de la monnaie unique si l’Europe ne parvient pas à « régler ses problèmes institutionnels fondamentaux ». La chancelière allemande Angela Merkel a, elle-même, mentionné publiquement « une fin possible de la monnaie unique » et Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, a rappelé qu’avec cette crise « la zone euro jouait sa survie ».

Un mécanisme permanent de gestion de crise

Mais les défenseurs de la monnaie unique s’accordent à dire que tout le monde y perdrait. A commencer par les petits pays de la zone euro. Ils pourraient, certes, dévaluer leur monnaie et gagner en compétitivité. Mais ils perdraient également les garanties d’emprunts de l’Europe, ainsi que la confiance des marchés. Pour les pays les plus solides comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche, cela ferait ressurgir les inconvénients qui avaient justement été supprimés grâce à la zone euro au premier rang desquels l’instabilité monétaire.

Mais l’heure n’est pas à la remise en cause de la monnaie unique. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens s’activent au contraire pour protéger la zone euro. Le 17 décembre dernier, les Vingt Sept, réunis en sommet à Bruxelles, se sont mis d’accord sur la mise en place d’un mécanisme permanent de gestion de crise. Ce dispositif remplacera le fonds européen de stabilité financière (FESF) mis en place, en automne dernier, au plus fort de la crise grecque, doté de 440 milliards d’euros et qui arrive à échéance en 2013. Pour y parvenir, une révision du traité actuel de l'Union européenne, celui de Lisbonne, est nécessaire. Il sera modifié courant 2011. Principale nouveauté de ce mécanisme permanent : la possibilité pour le secteur privé qui détient de la dette publique de participer au sauvetage d'un pays en difficulté.

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