Le Labour Party vient de perdre les élections législatives, et avec elles, le pouvoir. Mais si, un jour, il revient aux affaires, c’est, conformément à la tradition, son chef qui deviendra Premier ministre. Les enjeux de sa désignation ne sont donc pas minces. C’est pourquoi elle attire l’attention des médias et des milieux politiques bien au-delà du parti travailliste, et même du Royaume-Uni.
David et Edward Miliband ne sont pas seuls dans la course, mais ils caracolent ensemble en tête des sondages, laissant les trois autres candidats loin derrière. La dernière enquête d’opinion en date donne Edward gagnant avec deux points d’avance sur David. Mais deux points, cela ne dépasse pas la marge d’une simple erreur statistique. Ainsi, contrairement à 1994 où la victoire de Tony Blair ne faisait aucun doute, l’issue du scrutin 2010 est loin d’être prévisible.
Proches et différents
Les membres du collège électoral – composé de députés travaillistes, de syndicalistes et de membres du parti – doivent choisir entre deux frères qui se ressemblent beaucoup, mais qui sont en même temps très différents.
Ils se ressemblent, bien sûr, physiquement. Mais surtout, ils sont tous les deux relativement jeunes (45 ans pour David, 40 pour Edward), très brillants et très ambitieux.
Ce qui les différencie le plus nettement, ce sont les nuances de leur orientation politique au sein du Labour. David est issu de l’entourage de Tony Blair et, comme son mentor, ne veut pas entendre parler d’un éventuel virage à gauche du parti. Edward, appelé par ses adversaires « Ed le Rouge » soutient Gordon Brown et s’adresse résolument à l’aile gauche du parti travailliste, en prônant le retour aux sources et une prise de distance par rapport au New Labour centriste de Tony Blair.
Départager pour se rassembler
La difficulté pour les électeurs, et c’est un peu paradoxal, c’est qu’ils doivent départager les deux frères en pleine connaissance de leurs différences, mais pour choisir celui qui saura le mieux rassembler tous les courants du parti. Car la question stratégique pour le Labour est bien là. Si les divisions et les querelles continuent, le parti restera impuissant et aura peu de chances de reconquérir le pouvoir.
L’ancrage très net à la gauche du parti semble défavoriser Edward Miliband, mais, d’un autre côté, il est perçu comme beaucoup plus chaleureux et ouvert, ce qui pourrait augmenter ses chances d’être considéré comme un meilleur rassembleur. Son frère David se voit souvent reprocher d’être arrogant et hautain, mais, politiquement, son orientation plus centriste lui assure, du moins potentiellement, une plus grande capacité à nouer des alliances. Y compris en dehors du Labour, ce qui pourrait devenir un atout important si, un jour, il devenait Premier ministre.
Trop centristes pour leur mère
On dit que le choix du nouveau chef du parti pose particulièrement problème à la mère de David et Edward Miliband, Marion Kozak. Mais, à la différence de beaucoup d’autres militants, elle n’est pas perturbée parce qu’elle hésite entre les deux. Mariée à un éminent philosophe marxiste, Ralph Miliband, elle se situe elle-même très à gauche de ses deux fils. Même d’Edward. Elle les juge tous les deux beaucoup trop centristes. Ainsi, elle s’apprêterait à voter pour quelqu’un d’autre : une députée noire, Diane Abbott. Un choix qui risque de ne pas être massivement suivi au sein du Labour Party.