C’est pour le moins inhabituel de la part d’un membre du gouvernement : la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a publié sur son compte Twitter les insultes à caractère sexuel et les menaces de mort qu’elle reçoit tous les jours, dit-elle, en ligne ou par téléphone. La ministre ne s’est donc pas contentée de porter plainte. « Ne rien dire, c’est couvrir » justifie-t-elle. Mais reprendre sur son compte toute la boue que charrie son nom, n’est-ce pas forcément s’exposer aux éclaboussures ? Imagine-t-on une ministre citer à la radio les insultes des lettres anonymes qu’elle reçoit dans l’exercice de sa fonction ? Non, bien sûr, car le pouvoir doit toujours se placer un cran au-dessus de ceux qui l’insultent anonymement, s’il veut se faire respecter. A moins que le but recherché ne soit politique : en livrant l’attaque la plus vile au regard de tous, on s’expose en tant que victime et on reflète la haine, au risque de contribuer à l’hystérisation des esprits.
Cet épisode est révélateur de la montée en tensions que connaît la mobilisation des « gilets jaunes », à mesure qu’elle devient moins populaire. Des journalistes menacés ou même violentés, des députés insultés…. « Le mouvement social s’est laissé peu à peu gagner par une vindicte inacceptable », écrit Le Monde le 9 janvier. La question de ce qu’il faut montrer est au cœur des débats. Faut-il, envers et contre tout, donner la priorité au direct comme BFMTV qui suit en continu les heurts entre « gilets jaunes » et forces de l’ordre, y compris quand un policier est boxé ? Ou faut-il écarter les images les plus violentes comme LCI le jour où Macron a été copieusement insulté au Puy-en-Velay ? Pour en discuter, le CSA a réuni jeudi les patrons de chaînes, y compris Russian Today (RT), qui a fait le buzz en interviewant une « gilet jaune » désireuse de mettre Brigitte Macron je cite « à poil sur un tas de palettes ». Ce qui a conduit Marlène Schiappa à saisir le CSA.
Les fake news sont aussi au centre de l’hystérisation ambiante. Attentat organisé à Strasbourg, pacte de Marrakech pour aboutir au grand remplacement des Français, CRS étrangers pour réprimer les « gilets jaunes »… Les contrevérités les plus folles circulent sur les réseaux sociaux pour rallier des gens à une cause ou enrichir des usines à clics. Face à cela, les Facebook et autres entretiennent les internautes dans leur bulle de croyances et l’info a de plus en plus de mal à se faire une place au milieu l’infox.