Un nouveau Brésil?

Comme chaque vendredi, nous retrouvons la chronique de Bruno Daroux, « Le Monde en Questions ». Vous revenez cette semaine sur l’investiture ce mardi 1er janvier 2019 du nouveau président brésilien Jair Bolsonaro, proche de l’extrême droite. Et la question que vous posez Bruno est la suivante : avec Jair Bolsonaro, le Brésil est-il engagé dans une voie radicalement différente ? La réponse est oui.

Apres treize années de gouvernement de gauche sous l’égide du PT, le Parti des Travailleurs de Lula, les électeurs brésiliens ont massivement désavoué un système de gouvernement qui, loin des idéaux du début des années Lula, qui a permis quand même de vraies avancées sociales, s’est peu à peu enfoncé dans la corruption et le clientélisme.

Et c’est d’ailleurs sur ce terrain de la lutte contre la corruption que Jair Bolsonaro, jusque-là un sombre député inconnu, s’est peu à peu fait connaitre. Avec aussi l’hommage provocateur rendu à l’un des généraux qui sous la dictature avait torturé la présidente Dilma Roussef.

Du coup, il s’est présenté comme un homme politique sans casserole judiciaire, assumant son positionnement de droite extrême, et se présentant comme le remède nécessaire à une société gangrénée par la corruption, l’insécurité et le trafic de drogue, trois phénomènes souvent liés les uns aux autres .

D’où un programme très « ultra » : ultra-libéral en économie, ultra sécuritaire et ultra conservateur.

Sur l’économie, Jair Bolsonaro, qui avoue ne pas vraiment s’y connaitre, s’en est remis à un représentant de l’école libérale de Chicago Paulo Guedes. Il devrait donc appliquer au Brésil les recettes bien connues des libéraux : nombreuses privatisations pour réduire la dette, et réforme des retraites pour orienter le système vers la retraite par capitalisation.

Jair Bolsonaro se veut intraitable dans le domaine de la sécurité pour réduire le nombre d’homicides particulièrement élevé, environ 60 000 par an. La recette là aussi est classique – et controversée : abaissement de l’âge de responsabilité pénale à 17 ans, assouplissement de la législation sur la détention d’armes par les citoyens, et autorisation donnée à la police de riposter plus facilement contre les délinquants et notamment les gangs de trafiquants de drogue.

Enfin dernier volet du programme de Jair Bolsonaro, le marqueur conservateur : favoriser la famille traditionnelle, rester opposé à l’avortement et au mariage entre personnes de même sexe. De manière plus politique, s’en prendre à la pensée de gauche, libérale et progressiste, qui selon le nouveau président a mis à mal les fondements de la société brésilienne.

Le programme annonce donc clairement la couleur, et s’adresse avant tout aux classes moyennes et populaires blanches, aux évangéliques – un quart de la population, et aux grands propriétaires terriens. Dans cette société très mélangée, où les métis et les noirs représentent un peu plus de 50%, il s’agit d’un message clivant – très clivant.

Jair Bolosonaro ne pourra sans doute pas tout mettre en œuvre, car faute de parti politique suffisamment puissant derrière lui, il devra à chaque fois dégager des majorités de circonstances. Il faudra donc juger aux actes ce programme fort en gueule en rhétorique, et qui provoquera aussi sans doute de fortes réactions de plusieurs secteurs de la société au Brésil.

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