Le danger est réel de voir l’extrême droite s’installer au pouvoir dans ce pays qui est tout de même la huitième économie mondiale. Avec l’impossible candidature de Lula, reconnu coupable de corruption, et qui donc se morfond en prison, la campagne électorale s’est transformée en un face-à-face entre deux candidats : Jair Bolsonaro, candidat de l’extrême-droite, et Fernando Haddad, qui porte les couleurs du PT, le Parti des travailleurs, la formation de Lula. Haddad très (trop ?) tardivement investi, car, jusqu’au bout, les partisans du PT ont eu le fol espoir de voir Lula pouvoir se présenter.
De longues semaines d’incertitudes à gauche qui ont permis à l’ancien capitaine Jair Bolsonaro de s’installer dans le paysage politique en se faisant le chantre de l’anticorruption, en se présentant comme l’homme à poigne qui veut mettre fin à la violence endémique de la société brésilienne.
Nostalgisme assumé
Pour ce nostalgique assumé de la période de la dictature militaire qui a gouverné le Brésil de 1964 à 1985, c’est la manière forte qui peut sortir le pays de sa crise politique et morale. Attaqué au couteau par un déséquilibré, il y a gagné le statut de martyre, souffrant, mais dignement et en silence – et il a du coup continué à progresser dans les sondages au point d’être crédité à la veille de ce premier tour de 35 % des intentions de vote. Contre 22 % à Fernando Haddad.
Il est ouvertement raciste, misogyne et homophobe ? Cela ne semble pas lui porter tort, visiblement. D’autant qu’il est soutenu par certaines églises évangéliques, les grands propriétaires terriens et les milieux d’affaires, séduits par son programme ultra-libéral. Et, puis, beaucoup de Brésiliens sont fatigués du système existant. Le dégagisme se porte bien en cet automne brésilien.
Un premier tour difficile
Face à lui, Fernando Haddad. Depuis son investiture à la place de Lula, il a remonté la pente. Il joue la proximité. Mais il n’est pas Lula, il n’en a ni le charisme ni le bilan. Le premier tour s’annonce donc difficile. Et le match s’annonce très serré au second tour, le 28 octobre. Ce sont les autres candidats de premier tour qui serviront de forces d’appoint à l’un ou l’autre.
On l’aura compris : dimanche, les 146 millions d’électeurs devront donc choisir entre la continuité d’une démocratie sociale, mais hélas éclaboussée par trop de scandales de corruption, ou une démocratie illibérale, nationaliste, et aux relents militaristes – car l’armée brésilienne, qui a donc dirigé le pays pendant vingt ans, reste un acteur majeur de la vie politique brésilienne.
Un pays qui s’est divisé sur la personnalité de Lula, adoré par les pauvres qui n’ont pas oublié ses programmes sociaux, détesté par la bourgeoisie brésilienne, qui voit en lui un voleur et un escroc – et quelqu’un qui a mis en danger leurs intérêts. L’ombre de Lula planera donc sur ce scrutin, et le résultat pourrait être détonant.