En janvier 2014, en pleine escalade de la violence dans le Donbass et juste au début de la fameuse bataille de Debaltsevo, le camp prorusse accroit la pression sur de nombreux points chauds de la ligne de front et les combats redoublent de violence.
Un samedi matin, peu après 9h, une salve de roquettes s’abat sur un quartier résidentiel à l’est de Marioupol. Au moins 19 roquettes toucheront une cible indiscriminée : des immeubles, des voitures en circulation, un supermarché, des trottoirs... C’est alors le pire bilan civil de la guerre avec trente morts et une centaine de blessés, juste derrière la chute du vol MH17 de la Malaysian Airlines.
Les séparatistes d’abord accusés
Les séparatistes ont toujours été gênés aux entournures par ces événements, ayant sur le coup avoué à demi-mot qu’ils s’étaient tenus. Grâce aux conclusions de l’époque de l’OSCE, on sait que les tirs de missiles multiples de type Grad, sont venus du territoire séparatiste, mais on ignorait la chaîne de commandement d’un acte visant à délibérément frapper des zones civiles habitées et à faire un grand nombre de victimes.
Or, l’Etat ukrainien s'est présenté devant la Cour internationale de justice de La Haye sur le cas précis du bombardement de Marioupol. Kiev a accordé au collectif international Bellingcat le droit d'étudier les vidéos et les appels téléphoniques dont elle dispose. Pour le collectif d’enquêteurs, les conclusions sont limpides : ce sont des officiers de l’armée russe et non des séparatistes locaux qui sont responsables du bombardement.
Des spécialistes de la géolocalisation
Les enquêteurs de Bellingcat, célèbres pour leurs rapports sur le crash du vol MH17, sont des spécialistes de la géolocalisation. Ils ont établi que les lanceurs de missiles ont été transportés du territoire de la Fédération de Russie à l’Ukraine, la veille du drame.
Le matin même, les lance-roquettes ont été installés dans un petit village, Bezimenne, et, après la frappe massive, les mêmes lanceurs de missiles ont été immédiatement rapatriés en Russie. Les enquêteurs ont également eu accès à tout un ensemble de conversations téléphoniques, de données de réseaux sociaux, et d’informations publiques ou déclassées qui établissent les responsabilités humaines.
En l’occurrence, il s’avère que neuf officiers de l’armée russe sont impliqués dans ce bombardement, dont un général et deux colonels, directement en charge de l’opération.
Maintenant, ces informations iront alimenter le travail des juges à La Haye, mais elles viennent confirmer ce que beaucoup savent déjà, et que la Russie cherchait savamment à cacher : la guerre du Donbass n’est pas une guerre civile intra-ukrainienne, mais dans les épisodes les plus cruciaux de ce conflit meurtrier, c’est bien l’armée russe, et non des insurgés locaux, qui étaient à la manœuvre, en face de l’armée ukrainienne.